LES CHRONIQUES 2018 DE L’ABBÉ REUL

ROI RIDICULISÉ

Jésus fut condamné par les autorités juives pour un motif religieux. Le Grand Prêtre lui avait posé la question décisive: « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es Le Messie, le Fils de Dieu ». Jésus avait répondu: « Tu le dis. Je vous le déclare, désormais vous verrez le Fils de l’Homme, siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel ». Jésus se désignait par ce titre « Fils de l’Homme » tiré du livre de Daniel au chap. 7. Il désigne un personnage céleste revêtu par Dieu du pouvoir royal sur toutes les nations; il vient sur les nuées pour montrer qu’il participe à la grandeur de Dieu. Le Grand Prêtre et son conseil comprirent et déclarèrent: « Il a blasphémé. Il mérite la mort ».

Devant Pilate, ces mêmes autorités juives présentèrent un motif politique pour faire condamner Jésus: il aurait provoqué de l’agitation et rassemblé des partisans pour renverser les dirigeants juifs qui soutenaient les Romains.

Pilate se laissa prendre à leur jeu et traita Jésus comme un prétendu roi. Il ne pouvait par contre croire que cet homme isolé, abandonné par les siens et prisonnier représentait un quelconque danger pour l’empire.

Au moment de sa passion, Jésus accepta le titre de roi: à ce moment il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une royauté politique. Pendant sa vie publique il avait fui la foule qui voulait le faire roi. Ce n’est qu’au moment de son entrée messianique à Jérusalem qu’il avait accepté qu’on l’acclame comme « Fils de David » et comme « roi ».

Jean l’évangéliste a composé un dialogue entre Pilate et Jésus sur sa royauté. Pilate pense à une royauté politique, Jésus pense à une royauté spirituelle: c’est un dialogue de sourds. L’évangile de Jean contient d’autres dialogues du même genre de Jésus avec les juifs sur le temple (chap. 2); avec Nicodème sur la nouvelle naissance (3); avec la Samaritaine sur l’eau vive (4); avec la foule sur le pain venu du ciel (6) ; toujours avec la même ambiguïté.

Pilate considérait Jésus comme un illuminé qui prétendait connaître la vérité. Il ne trouvait en lui aucun motif de condamnation, proposa même de le relâcher, le fit flageller et le présenta couvert d’un manteau de pourpre et couronné d’épines, en disant: « Voici l’homme ». Il fit fixer sur la croix un écriteau portant cette inscription: « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ».

Les Grands prêtres juifs dirent à Pilate qu’il fallait écrire: « Cet individu a prétendu qu’il était le roi des Juifs ».  Ils interprétaient mal la prédication de Jésus qui avait annoncé que le Royaume de Dieu était proche. Cette expression aussi s’inspirait du livre de Daniel (chap. 2).

Il y est question d’un songe où apparut une statue géante dont les membres étaient en matériaux divers: or, argent, bronze, fer et céramique. Ces membres représentaient les empires successifs. Une pierre mystérieuse frappa le colosse aux pieds d’argile. Ses pieds furent pulvérisés, la statue s’écroula, réduite en paille emportée par le vent. La pierre par contre, devint une montagne couvrant toute la terre. Elle est l’image du Royaume suscité par Dieu. Il pulvérisera tous les royaumes et subsistera à jamais.

La royauté de Jésus a été ridiculisée. Au Calvaire, son humiliation fut extrême.  Les croyants reconnaissent en lui le Roi de l’univers.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 20 novembre 2018

LA RELIGION : QUEL INTÉRÊT ?

Avec les parents qui demandaient le baptême pour un enfant, je parlais de leur motivation. Il n’était pas rare que c’était par tradition plus que par conviction.

Au sujet de la pratique religieuse, un jeune papa me répondit avec franchise « qu’il n’en voyait pas l’intérêt ».

La religion en effet, nous met en relation avec Dieu dont nous accueillons les initiatives. Cela suppose la foi en Dieu. La religion nous guide sur le chemin qui mène vers la vie éternelle. Cela suppose la foi en l’au-delà.

La mentalité actuelle tend à ne considérer comme vrai que ce qui se voit et à ne s’engager que dans ce qui donne des résultats concrets, de préférence immédiats. Elle ne porte ni à la foi, ni à la religion. Qui préparerait un voyage qu’il ne fera pas,  vers une destination dont il ignore l’existence?

Un vieux sage prédicateur avait parlé aux étudiants d’une école secondaire. Il s’entretint ensuite avec les élèves de la classe terminale. Il s’intéressa aux projets d’avenir de Robert. Celui-ci comptait faire le droit, être avocat et fonder une famille.  Il espérait bien gagner sa vie, prendre sa retraite et parcourir le monde. « Et ensuite? » demanda le prédicateur. Robert n’avait pas d’autre projet. Le prédicateur conclut:

« Vos projets sont trop courts. Ils ne couvrent que 75 ans. Vous devez faire des projets assez grands pour inclure Dieu et embrasser l’éternité ».

Le prédicateur était croyant: il parlait de Dieu et d’éternité. C’est par la foi que nous connaissons ce qui dépasse nos sens. Les scientifiques n’admettent comme vrai que ce qui tombe sous nos sens. L’expérience sensible est leur unique source de connaissance. Cette connaissance est limitée. La foi nous fait connaître ce qui est invisible aux yeux.

Blaise PASCAL, savant, philosophe et écrivain français du 17e s.  entreprit, après sa conversion, d’écrire un livre pour défendre la religion chrétienne. Il mourut avant d’avoir achevé l’ouvrage si bien que nous n’avons que ses réflexions préparatoires mises sur papier: ce sont ses « Pensées » qui ont été numérotées. Il écrit: « La foi dit bien ce que les sens ne disent pas, mais non pas le contraire de ce qu’ils voient.  Elle est au-dessus, et non pas contre » (265).

D’autres, pour satisfaire aux exigences de la raison, n’acceptent comme vrai que ce qui est démontré. Dans nos recherches du vrai, nous ne devons pas exclure la raison mais nous ne pouvons pas non plus n’admettre que ce que nous dit la raison. Or, certains estiment pouvoir expliquer l’homme et l’univers par le seul exercice de la raison. L’intervention de la raison nous libère des préjugés et des superstitions.  Elle doit se faire dans le respect des convictions. Mais considérer la raison comme l’unique source de la connaissance conduit à rejeter tout phénomène surnaturel et toute révélation venant de Dieu. Or, il n’y a pas que la raison qui soit capable de nous instruire. Elle aura aussi à accepter ce qui la dépasse.

Pour conclure ces réflexions citons encore 2 pensées de Pascal sur le sujet. « La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent ; elle n’est que faible si elle ne va pas jusqu’à reconnaître cela »(267).  « II n’y a rien de plus conforme à la raison que ce désaveu de la raison » (272).

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 13 novembre 2018

 


POURQUOI DES CIERGES A L’AUTEL ?

Ils sont des signes de fête. Ils sont des marques de respect pour ce qui est célébré sur l’autel. La messe est en effet le banquet où nous sont donnés le corps et le sang du Christ. Les cierges sont aussi des signes de vénération. Ils sont placés sur l’autel ou à côté. Cela est dit dans le missel romain dont l’usage a été introduit par le pape Paul VI le 3 avril 1969. Cette manière de faire et de penser est ancienne mais n’a pas toujours été en vigueur.

Quand les dominicains ont établi leur liturgie au 13e s. ils ont adopté ce qui était devenu une habitude : ils ont placé les cierges SUR l’autel. Mais cette habitude était contraire aux recommandations données au temps de Charlemagne au 9e s. : on estimait alors inconvenant de placer sur l’autel autre chose que ce qui était requis pour l’eucharistie. Les cierges étaient d’ailleurs portés dans le cortège escortant le célébrant vers l’église et étaient ensuite placés à côté de l’autel.  Quand les cortèges disparurent, on prit l’habitude de poser les cierges avant la messe SUR l’autel.

Du temps des Carolingiens, les cortèges escortant un évêque ou le pape étaient fréquents. Ils copiaient ce qui se faisait dans la Rome antique à l’égard des empereurs, de leurs magistrats ou même de leurs images.

Une coutume de ce genre est mentionnée dans un rapport du 2e concile de Nicée qui eut lieu en 787. On y avait traité la question de la vénération dont il convient d’entourer les images saintes, les icônes. Le rapport fait état d’un argument favorable à cette vénération. Il note ce qui se pratique dans les villes lorsqu’une image de l’empereur leur est offerte: les gens forment un cortège portant cierges et encens pour aller accueillir l’image. Pourquoi ne pas en faire autant avec les icônes ?

De tels cortèges avaient lieu aussi pour accueillir les évêques et le pape.

Un rituel du 7e s. nous a conservé les prescriptions concernant une solennité présidée par un pape. Il était escorté avec sa suite vers l’église. La chorale chantait pendant qu’avançait le cortège de clercs portant chandeliers et encensoirs pour honorer la personne du pape. Ce cérémonial reproduisait ce qui se faisait autrefois lors des cortèges honorant les empereurs romains. (Dommage qu’ils ne se soient pas inspirés du cortège de l’entrée de Jésus à Jérusalem).

Aux 2e et 3e s. en effet, lors des fêtes solennelles, on honorait l’empereur en l’escortant avec des flambeaux et en brûlant de l’encens. Ce cérémonial a longtemps été conservé à la cour de Byzance.

L’usage de cierges dans le culte est donc très ancien et remonte à des pratiques païennes. Les processions aux flambeaux et aux encensoirs se faisaient en l’honneur des empereurs, puis des papes et des évêques. Les choses ont heureusement évolué vers plus de simplicité et les honneurs sont rendus, non plus aux célébrants mais au Christ.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 6 novembre 2018

 


TOUSSAINT

En fêtant tous les saints, nous pensons à ceux qui sont rassemblés dans la cité céleste que nous appelons aussi « ciel » ou « paradis ». Nous nous réjouissons de les savoir dans la pleine lumière divine. Nous nous joignons à eux pour louer Dieu. Ce regard porté vers le ciel nous tourne vers la destination de notre voyage en ce monde. Nous sommes en effet des pèlerins: nous n’avons pas ici-bas de demeure permanente.  La Toussaint réveille notre espérance qui nous fait attendre de rejoindre notre patrie définitive: « Nous marchons vers elle par le chemin de la foi. Une prière de la fête va jusqu’à dire que « nous hâtons le pas ». Il n’est cependant pas sûr que nous soyons pressés de quitter ce monde pour aller en paradis. L’instinct de conservation qui nous habite fait que nous tenons à la vie et que nous nous défendons spontanément contre tout ce qui la menace. Plusieurs chrétiens m’ont dit, en pensant à la mort: « Je suis prêt, mais pas pressé ».  C’est une réaction très compréhensible. On en déduit avec humour: « tous veulent aller au ciel mais personne ne veut mourir ». Or, il faut reconnaître que pour aller au ciel, il faut quitter ce monde. Il n’y a pas d’arrivée s’il n’y pas d’ abord un départ. Quand quelqu’un s’en va, ceux qui l’entourent disent: « Il est parti ». A ce moment, ceux qui l’attendent « sur l’autre rive », disent en le voyant venir: « Il arrive ».

Il est vrai que nous tenons beaucoup à la vie. La souffrance n’est pas absente de ce monde, mais nous bénéficions de bien des merveilles. Notre corps et ses facultés sont des merveilles. Nous parcourons le monde pour admirer les merveilles de la nature. Or, tout cela est périssable, provisoire. Si Dieu crée tant de merveilles qui ne sont que provisoires, on peut penser qu’il nous réserve des merveilles encore plus admirables dans le monde définitif et éternel. Ce serait absurde de penser que Dieu ne nous aurait fait que pour un monde temporaire.  Notre aspiration à une vie sans fin est un désir profond qui ne peut être déçu.  Le Christ nous a ouvert l’accès à ce monde définitif. Ila pris sur lui notre condition humaine, il a traversé la mort et est entré, par sa résurrection, dans une plénitude de vie. Nous croyons qu’en vivant en communion avec lui par la foi et les sacrements, nous passerons avec lui, par la mort, vers la vie éternelle.  C’est ce qui nous fait dire que la mort est une naissance. Ste Thérèse de Lisieux disait, peu avant sa mort: « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie ».

Ceci explique une pratique de l’Eglise. Elle célèbre la fête des saints, non pas au jour anniversaire de leur naissance en ce monde, mais au jour anniversaire de leur mort qui a été le jour de leur naissance à la vie glorieuse de l’éternité.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 23 octobre 2018

LA CENSURE TOUCHE L’APÔTRE

La traduction liturgique d’un passage d’une lettre de St. Paul (1 Cor. 6, 13-20) a censuré le texte de l’Apôtre. Sans doute pour ne pas heurter les oreilles pieuses des fidèles. Il y fait en effet allusion avec réalisme aux mœurs dissolues des Corinthiens. Il est probable que certains chrétiens de la communauté n’avaient pas complètement abandonné ces mœurs, sans quoi les remarques de l’Apôtre étaient inutiles. Les versets 15 à 18 du texte, partiellement omis, disent: « Ne le savez-vous pas? Vos corps sont les membres du Christ. Vais-je arracher les membres du Christ pour en faire des membres de prostituée? Certes non! Ne savez-vous pas que celui qui s’unit à la précitée fait avec elle un seul corps? Car il est dit: les deux ne seront qu’une seule chair. Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit. Fuyez la débauche.  »

Pour comprendre la situation, il est utile de savoir que Corinthe se trouve sur un isthme reliant les deux parties de la Grèce. La ville dispose de deux ports de mer: Cenchrées sur la mer Egée et Léchée sur la mer Adriatique. C’était une ville cosmopolite d’un demi-million d’habitants, dont la moitié était faite d’esclaves. Le commerce y était florissant et les marins y cherchaient à s’amuser.  Les mœurs y étaient dissolues, la débauche répandue. On y vénérait Aphrodite, la déesse de la beauté et de l’amour. Le personnel du temple se livrait à la prostitution sacrée. Les citoyens suivaient l’exemple. On savait ce que signifiait « vivre à la corinthienne ».

Paul connaissait Corinthe et son ambiance. Il y avait séjourné pendant 18 mois lors de son deuxième voyage missionnaire. Il avait trouvé bon accueil dans ce milieu dépravé. Ce fut pour lui une consolation car il venait de connaître un échec cinglant auprès des philosophes d’Athènes.

Dans l’ambiance laxiste de notre époque, les recommandations de Paul gardent toute leur actualité. La liberté sexuelle que beaucoup revendiquent, conduit à des aberrations. On se livre à des pratiques sexuelles comme d’autres pratiquent un sport. Dans certaines régions, il y a beaucoup de mères-célibataires qui n’ont que 16 ans. Pour d’autres, l’exercice de la sexualité est un jeu. Mais le manque de précaution contraceptive mène à des grossesses non désirées et à des avortements. Il arrive que des filles refusent l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et préfèrent garder l’enfant. Elles sont à féliciter. Il n’est pas rare que les parents de ces filles accueillent leur fille avec son nouveau-né et l’adoptent comme leur enfant. C’est admirable. Une vedette belge d’athlétisme est dans ce cas: la page de couverture d’une revue titrait: »Nafissatou Thiam est la fille de sa grande sœur ».

Relisons les enseignements de St. Paul aux baptisés: « Vos corps sont les membres du Christ, ils sont les sanctuaires de l’Esprit. Votre corps est pour le Seigneur.  Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes. Fuyez la débauche et rendez gloire à Dieu dans votre corps ».

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 16 octobre 2018

CADEAU OFFERT PUIS ENLEVÉ

L’Eglise est riche des cadeaux qu’elle reçoit. Elle est pauvre quand ses biens sont confisqués. Les papes sont devenus des riches chefs d’Etat grâce au don de ces territoires qu’étaient les Etats pontificaux. Ils sont exclusivement pasteurs de l’Eglise depuis que ces Etats leur ont été enlevés.

Ce cadeau leur fut offert au 8e s. par le roi des Francs, Pépin le Bref, né à Jupille, fils de Charles Martel et père de Charlemagne. Ces carolingiens qui n’étaient d’abord que maires du palais auprès des Mérovingiens, établirent leur pouvoir sur toute la Gaule.

Le pape Etienne demanda la protection du roi des Francs contre les Lombards qui avaient envahi une bonne part de l’Italie. Ces territoires relevaient de l’empereur romain d’Orient vivant à Byzance (Constantinople). Mais l’empereur n’était d’aucun secours pour Rome menacée. Le pape se mit sous la protection de Pépin. Celui-ci,  vainqueur des Lombards, remit au pape les territoires reconquis: ainsi sont nés les Etats pontificaux.

Byzance n’a pas apprécié que ces régions relevant de son autorité, soient confiées au pape par un roi germanique. Ce motif politique a entretenu entre Byzance et Rome une animosité qui contribuera à la rupture religieuse entre Orthodoxes et Catholiques.

Les papes ont gardé leurs Etats jusqu’au 19e s.  C’était l’époque où le royaume de Piémont, dans le Nord de l’Italie, devint un Etat fort. Grâce à son roi Victor-Emmanuel II connu pour son patriotisme, et à une petite armée efficace, le Piémont devint un foyer d’attraction pour les aspirations nationales des Italiens. Dès 1861,  la proclamation du royaume d’Italie voyait en Rome sa future capitale. Plusieurs régions furent rattachées à ce royaume, par conquête ou par adhésion volontaire.  Rome restait indépendante. Le pape Pie IX tenait à son statut de souverain temporel et avait refusé toutes les tentatives de conciliation.  Rome était protégée par une garnison française. En 1870, les Français ayant dû retirer leurs troupes à cause de la guerre contre la Prusse, le roi s’empara de Rome. La population romaine se prononça par référendum pour le rattachement au royaume d’Italie. Le roi s’installa au Quirinal. Les Etats pontificaux avaient vécu. Le pape gardait ses prérogatives et la possession du Vatican, du palais du Latran et de Castel Gandolfo. On lui proposa une rente annuelle.

Le pape refusa de reconnaître la perte de ses Etats et n’accepta pas la rente. Il excommunia le roi et ses collaborateurs,  évita toute relation avec l’Etat italien et se considéra comme le « prisonnier du Vatican ». Les anticléricaux se firent très hostiles au pape et à l’Eglise. Les Italiens nationalistes s’éloignèrent de l’Eglise et les catholiques évitèrent de participer à la vie politique.

La « question romaine » ne sera réglée qu’en 1929 entre le pape Pie XI et Mussolini.  La « Cité du Vatican » est reconnue comme Etat indépendant.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 9 octobre 2018

LE CHRIST EST APPARU AU XVIIe SIÈCLE

Les apparitions de la Vierge Marie ont été nombreuses et sont connues. Elles sont à l’origine de centres de pèlerinages. Les apparitions du Christ ressuscité aux saintes femmes, aux apôtres et à St. Paul sont rapportées par le Nouveau Testament. Les seules apparitions ultérieures du Christ sont celles du Sacré-Cœur à Ste Marguerite-Marie Alacoque à Paray-le-Monial (France) au 17e s. La voyante a elle-même écrit, sur ordre de son confesseur et de ses supérieures, ce qu’elle a vécu. Elle parle de 30 apparitions : 7 récits décrivent l’image du Sacré-Cœur et parlent des révélations concernant la vie personnelle de la voyante avec Jésus. Trois révélations livrent un message destiné au monde et concerne donc l’Eglise. L’importance de ces révélations fait que ces apparitions sont appelées « grandes apparitions ». Dans ces messages, le Christ demande de lutter contre l’indifférence des hommes à son égard et de répandre la dévotion à son cœur. Ces apparitions eurent lieu de 1673 à 1675 mais ne devinrent célèbres que bien plus tard.

La voyante fut favorisée de grâces uniques et très singulières qui lui causèrent beaucoup d’ennuis: ses extases la rendaient distraite et oublieuse. Cela avait commencé dès son entrée au couvent: ses extases lui compliquaient les services de la vie courante. Elle fut menacée de ne pas être admise à faire ses vœux. Sa vie au couvent fut une suite d’épreuves. Elle ressentait des souffrances du Christ pendant sa passion: l’angoisse de son agonie, la douleur de la couronne d’épines, la sensation de blessure du côté, une soif ardente. Elle n’était pas comprise: ses consœurs la traitaient de visionnaire entêtée dans ses imaginations, se demandant si elle était folle, possédée ou sainte. Pendant 10 ans, elle ne rencontra que réprobation de son exaltation.

Les visions dont elle se disait favorisée inquiétaient ses supérieures. Les personnes compétentes consultées n’osaient se prononcer. Arriva à Paray, comme directeur de leur institut, un jeune jésuite instruit et sage: Claude La Colombière. Il devint confesseur des religieuses. Il rencontra la sœur suspecte. Il fut témoin de la sainteté et de l’équilibre de la religieuse. Convaincu de l’authenticité des apparitions et des confidences reçues, il rassura Marguerite-Marie, plus angoissée que les autres de ce qui lui arrivait, et il rassura la supérieure. Peu à peu, son ardente spiritualité finit par gagner la communauté. Marguerite-Marie devint maîtresse des novices. Dans le jardin du couvent on construisit une chapelle dédiée au Sacré-Cœur.

Mais le culte qu’elle était chargée de promouvoir rencontra beaucoup de résistance: on s’opposait à cette dévotion mystique. Le message fut méconnu comme la messagère elle-même. Les apparitions eurent lieu au 17e s. mais ne portèrent leur fruit qu’aux 19e. et 20e s.

La voyante mourut à 43 ans en 1690. Une étude provisoire en vue d’obtenir qu’elle soit déclarée « sainte » fut achevée dans le diocèse d’Autun en 1715. Elle ne fut transmise à Rome qu’en 1819, plus d’un siècle plus tard. La voyante fut déclarée « vénérable » en 1824, « bienheureuse » en 1864 et « sainte » en 1920. La sainte repose dans une châsse se trouvant dans la chapelle du couvent. Les grandes célébrations rassemblant les nombreux pèlerins ont lieu dans l’ancienne église clunisienne de la ville devenue « basilique » au 19e s.

L’Eglise qui est très critique et prudente en la matière, a officiellement reconnu l’authenticité des apparitions du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie, comme elle a reconnu les apparitions de Marie à Catherine Labouré à la rue du Bac à Paris, de l’immaculée à Bernadette Soubirous à Lourdes, de la Vierge au cœur d’or aux 5 enfants de Beauraing,  la Vierge des Pauvres à Manette Beco à Banneux.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 2 octobre 2018

 


POUR FAIRE UN DIMANCHE

Des fidèles empêchés d’aller à la messe le dimanche, compensent cette absence en allant à une messe en semaine. C’est très beau. Mais la messe dominicale est particulière. D’abord, les fidèles rassemblés prennent conscience de leur appartenance à la communauté, et plus largement à l’Eglise. Ensuite, en union avec toute l’Eglise, ils fêtent la Pâques du Christ le jour de la résurrection. Le temps fort de cette journée est l’eucharistie à laquelle tous les fidèles sont attendus.

Nos frères orientaux, orthodoxes et catholiques, ne célèbrent qu’une seule messe le dimanche. Elle est très longue et les fidèles y assistent le temps qu’ils peuvent. Cette messe est particulière au dimanche, car, chez eux, il n’y a pas de messe en semaine.

La différence est grande entre la pratique de ces Eglises et celle de notre Eglise latine qui a multiplié les messes du dimanche pour permettre aux fidèles d’avoir, en peu de temps, une messe complète. Notre Eglise a aussi multiplié les messes en semaine.

Au début, le dimanche était lié à la pratique juive : le christianisme est une dissidence du judaïsme. Le repos du sabbat, septième et dernier jour de la semaine,  est en vigueur chez les juifs d’aujourd’hui comme chez ceux d’autrefois. Ce jour chômé qui a des effets positifs sur la vie familiale et sociale, est d’origine religieuse.      

L’Eglise primitive de Jérusalem était constituée de juifs devenus chrétiens. Elle est née dans un contexte juif.

Jésus est mort la veille d’un sabbat et est ressuscité le lendemain de ce sabbat, soit le premier jour de la semaine suivante. L’évangéliste St. Jean dit que le Ressuscité apparut au milieu de ses disciples rassemblés au cénacle en ce premier jour, le jour de Pâques, le premier dimanche de l’histoire. La deuxième apparition dont il parle eut lieu dans les mêmes circonstances une semaine plus tard: c’était le deuxième dimanche.  Ce fut le début de la série des dimanches qui se prolonge de nos jours et se poursuivra jusqu’à la fin des temps. Chaque fois,  les fidèles rencontrent le Christ vivant, mais invisible. Cette présence est signifiée par la flamme du cierge de Pâques. Chaque année, à Pâques, on allume un nouveau cierge marqué du millésime de l’année pour rappeler que d’année en année, de siècle en siècle, le Vivant demeure parmi les siens. La tradition du rassemblement dominical remonte aux temps apostoliques et est l’effet d’une initiative du Christ lui-même.

Progressivement, pour les chrétiens, le jour de repos hebdomadaire s’est déplacé du samedi au dimanche. Ce déplacement a été l’effet de l’autonomie progressive du christianisme par rapport au judaïsme.

Les anciens auteurs chrétiens aimaient tirer des enseignements à partir du symbolisme: des nombres. Ainsi, le dimanche, premier jour de la semaine, peut aussi être considéré comme le huitième jour de la semaine écoulée. Cela signifie qu’il représente ce qui se passera au-delà de notre monde, dans l’au-delà, dans l’éternité. Le dimanche représente alors l’attente du monde à venir, notre espérance.  Le repos du dimanche devient ainsi l’image et l’annonce du repos éternel.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 25 septembre 2018

 


ILS N’ATTENDENT RIEN

Ce journaliste semblait connaître la mentalité des gens, ceux de l’étranger et ceux de chez nous, des orientaux et des occidentaux. Il trouvait qu’ailleurs les gens attendent quelque chose et qu’en Europe on n’attend rien.

On peut attendre bien des choses: la fin de la guerre si le pays est en conflit; la pluie si le pays souffre de la sécheresse et de la famine; le secours quand une catastrophe est survenue; la chute de la dictature quand le pays est soumis à un tyran. Par rapport à de tels malheurs, les Européens vivent dans une situation enviable. Mais, même dans un pays tranquille et prospère, on peut attendre des choses: du travail quand on est au chômage; la guérison quand on est malade; les vacances ou la pension quand le travail devient pesant; la réussite aux examens quand on est étudiant.

Mais celui qui parlait pensait plutôt aux convictions philosophiques et religieuses. Les croyants, en effet, vivent dans l’espérance d’un monde meilleur. Cela les encourage dans les jours difficiles. Est-il vrai qu’ailleurs on attend un autre monde et que chez nous on n’attend rien?

Ce serait contraire à la pensée chrétienne qui nous invite à vivre dans l’espérance de la résurrection et dans l’attente du monde à venir. C’est le langage de l’Eglise quand elle affirme sa foi et quand elle prie pour les défunts. Tous les chrétiens comprennent-ils ce langage et partagent-ils la foi de l’Eglise? Des réflexions de chrétiens pratiquants ou de gens que je croyais chrétiens, m’ont surpris. Voici 2 cas.

Dans un échange entre adultes sur la résurrection quelqu’un s’étonna que cela signifie que notre vie personnelle se poursuivra sous une forme nouvelle et spirituelle après la mort et la métamorphose qu’est la résurrection.

L’autre cas est frappant. Il s’agit d’un homme politique belge très compétent qui a milité dans un parti qui se disait « chrétien ». Je savais qu’il n’était pas exigé,  pour adhérer à ce parti, de partager la foi catholique. Notre homme, après une carrière bien remplie, se trouvait atteint d’une maladie grave dont il est mort récemment. Dans un entretien accordé à un journaliste dans un passé récent, on lui demanda quels sentiments lui inspirait la mort. Il répondit: « Je suis serein d’autant plus que je sais qu’il n’y a rien ». Manifestement, il n’attendait rien au-delà de la mort.  Sa conviction ne correspondait pas à la foi catholique. Il n’était pas le seul à penser cela dans notre pays. Mais nous ne pouvons pas généraliser et prétendre qu’en Europe on n’attend rien après la mort. Il y a quand même quelques croyants.

Nous affirmons l’existence du monde à venir, tout en étant incapables de dire comment nous serons. Il faudrait que nous en ayons fait l’expérience. Ceux qui l’ont faite ne sauraient pas nous en parler car notre langage ne fait référence qu’à ce que nous vivons ici. Ils ne peuvent nous donner que des signes pour montrer qu’ils sont vivants.

Chacun se rangera librement du côté de ceux qui n’attendent rien ou du côté de ceux qui attendent avec confiance la vie du monde à venir.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 18 septembre 2018

DÉBUTS DU DIOCÈSE DE LIÈGE

Tongres, Maastricht et Liège sont les étapes de l’origine du diocèse de Liège. Le christianisme se propagea dans nos régions au 4e s. grâce aux marchands et aux soldats. Nos contrées étaient le bout du monde romain. La population était rurale. Les exploitations agricoles étaient dispersées. Les villes furent d’abord touchées. Un évêque était installé dans les villes importantes.

La figure de Materne, évêque de Trêves et de Cologne, est plutôt légendaire. Son souvenir subsiste en plusieurs endroits. L’existence de St. Servais, évêque de Tongres en 343, est établie. Le territoire était arrosé par la Meuse facilement franchissable à Maastricht vers laquelle convergeaient les routes romaines. Elle est la plus ancienne ville des Pays-Bas. Servais évangélisa la région mosane. Menacé par les incursions germaniques, il se réfugia à Maastricht où il mourut en 384. Le diocèse était étendu: de la Basse-Meuse à la Semois, et d’Aix-la-Chapelle à Nivelles et Louvain. De Servais nous ne savons pas grand’chose. Sa signature se retrouve au bas de documents des conciles de Sofia (343), de Cologne (346) et de Rimini (359), Ii a été envoyé par Magnence auprès de Constance, empereur d’Orient, en 353. Grégoire de Tours écrit qu’il fut inhumé à Maastricht qui conserve toujours ses reliques dans une châsse du 12e s. dans la basilique St. Servais. St. Servais est fêté le 13 mai.

Lambert est un autre évêque dont l’histoire retient notre attention. Né à Maastricht,  il devint évêque de Tongres et de Maastricht en 670. Il contribua à l’évangélisation de la Campine. Il aimait séjourner dans son domaine de Liège où il fut assassiné le 17 septembre 705 par Dodon et ses hommes. Dodon, administrateur du domaine royal supportait mai l’autonomie accordée par le roi aux possessions de l’Eglise.  Des neveux de l’évêque, excédés par les multiples vexations envers leur oncle, prirent l’initiative de tuer les 2 représentants de Dodon coupables. Dodon les vengea.

Le corps de Lambert fut ramené à Maastricht, mais sa réputation de sainteté grandit à Liège où la vénération du lieu de sa mort se développait. Hubert, successeur de Lambert, décida de transporter le corps de Lambert à Liège.

Le transfert des reliques entraîna le déplacement du siège épiscopal de Maastricht à Liège et fit la fortune historique de la localité. Son culte se développa dans le diocèse dont il devint le patron. Il est fêté le 17 septembre.

Hubert fut l’apôtre de l’Ardenne et de la Campine. Il mourut à Tervuren en Brabant,  des suites d’une blessure causée par un accident survenu à Nivelle-sur-Meuse (Visé).  Il fut enterré dans l’église St. Pierre à Liège, disparue aujourd’hui. Lors de la reconnaissance de ses reliques en 743, il fut déclaré saint. En 825, son corps fut transféré à Andage qui devint St. Hubert en Ardenne. Ses reliques y attirèrent de nombreux pèlerins. St. Hubert, fêté le 3 novembre, est le patron de la ville de Liège.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 11 septembre 2018

 


CHANTS TRÈS ANCIENS ADAPTES

Malgré les changements intervenus dans les offices religieux après le dernier concile, la messe conserve fidèlement une prière biblique après la première lecture : il s’agit d’un poème tiré du livre des psaumes. Ce recueil contient 150 chants sacrés qui furent en usage dans le culte au temple de Jérusalem après l’exil.

On y distingue 5 parties qui correspondent à 5 collections partielles qui ont existé séparément avant d’être remaniées et regroupées en un recueil unique à la fin du 3e s. avant le Christ. Ainsi, les « Chants des montées » (psaumes 120 à 134) sont les chants des pèlerins qui montaient à Jérusalem. Ce regroupement explique le fait que 3 psaumes figurent deux fois, en tout ou en partie, dans le livre. En tête des prières figure un nom: Moïse,  Salomon, surtout David, cité 73 fois.

Ces noms ne désignent pas nécessairement l’auteur. Ils indiquent le rapport de la prière avec le personnage cité. La tradition fait de David l’auteur le plus notable, l’animateur, le père spirituel des psalmistes. Il n’est pas le compositeur de tous les psaumes. La poésie existait en Israël avant lui, mais il donna l’élan au chant sacré. Les psaumes qui parlent du temple, de son culte et de sa destruction ne peuvent lui être attribués. Le 1er temple ne fut en effet construit que par son fils Salomon. Le 2ème temple ne fut construit qu’après l’exil. Les psaumes qui parlent de l’exil et du retour sont bien postérieurs à David.

Après l’exil à Babylone dont ils furent libérés par les Perses, les Juifs ont retrouvé chez eux une autonomie relative comme province de l’empire perse. Durant 2 siècles de paix, les scribes, très actifs, ont regroupé les recueils séparés de chants en livre unique pour le culte. Ces textes ont été composés en 8 siècles.

Les psaumes expriment les dispositions du cœur de celui qui prie : la louange, la supplication, la demande de pardon, la gratitude.

Les psaumes retenus pour la prière chrétienne sont adaptés. On ne reprend pas, par exemple, les imprécations qui sont des prières de malédiction contre les ennemis.  Ils s’inspirent de la loi du talion et font appel à la vengeance de Dieu. Les auteurs souhaitaient que la vérité et la justice l’emportent. Ils ignoraient tout de la vie après la mort et vivaient dans l’idée que la vérité et la justice devaient être rétablies en ce monde. Dans la prière chrétienne, les psaumes ne sont repris que partiellement.

Les psaumes sont tantôt individuels, tantôt collectifs. Un quart du recueil est fait de prières individuelles. Le priant isolé n’est pourtant pas solitaire, il est solidaire du peuple et n’est pas étranger au culte. Celui qui prie le fait au nom du peuple, surtout quand il s’agit d’un personnage officiel. Les psaumes qui, d’abord,  exprimaient la dévotion personnelle, devinrent des prières communautaires lorsqu’ils furent inclus dans le psautier.

Le livre est, parmi tous les livres bibliques, celui qui a été le plus utilisé pour la prière et dans la liturgie, tant par les chrétiens que par les juifs. Le Nouveau Testament cite les psaumes plus de 100 fois. Le Christ a prié les psaumes. Il en cite 3 sur la croix. Les premiers chrétiens récitaient ou chantaient des psaumes.  Cette pratique se poursuit dans l’Eglise d’aujourd’hui.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 4 septembre 2018

                                                                                                                                         

 


TRÈS GRANDE VITESSE CONSTANTE

Nous vivons avec la conviction très rassurante que notre terre est d’une grande stabilité et que tout ce qui se trouve à sa surface reste en équilibre et immobile. Quand la terre se met à trembler sous nos pieds, nous sommes paniqués à juste titre: Ces tremblements peuvent provoquer des catastrophes épouvantables.

En réalité, notre planète, dans son ensemble, est en continuel mouvement: elle fait en même temps deux mouvements. La merveille, c’est que nous n’en souffrons pas.

Nous n’en sommes pas conscients et nous n’en percevons que les avantages.  La terre tourne sur elle-même en 24 h. Elle tourne en même temps autour du soleil en 1 an.  Ainsi, à tout moment, elle expose une face au soleil (c’est le jour pour les terriens de cette face); l’autre face reste alors à l’ombre (c’est la nuit pour les terriens de cette face). La rotation de la terre produit la succession régulière des jours et des nuits. L’axe de la terre étant incliné, ia durée des jours varie selon la position de la terre vis-à-vis du soleil.

Le fait que la terre tourne autour du soleil en 365 jours explique la succession des saisons. Son orbite elliptique fait que la distance entre la terre et le soleil varie et que l’influence du soleil sur la terre change. La distance moyenne entre le soleil et la terre est de 149. 500. 000 Km.

La lune pour sa part, ne brille que parce que le soleil l’éclaire. Elle tourne sur elle-même, et en même temps autour de la terre, en 27 jours : la durée de sa rotation est égale à la durée de sa révolution autour de la terre. De ce fait, la lune présente toujours la même face à la terre.

Le soleil est une étoile moyenne. Le rayon du globe solaire fait environ 695. 000 Km.  Sa température superficielle est de 5. 750° C. Il tourne sur lui-même en 25 jours.  Dans sa révolution autour du soleil, la terre parcourt en 1 an 940. 000. 000 Km. (107. 000 Km par heure ; 30 Km par seconde).  A ce déplacement autour du soleil, il faut ajouter le déplacement produit par la rotation de la terre: 40. 000 Km.  Par jour à l’équateur. (1. 674 Km par heure à l’équateur ; 1. 060 Km par heure à notre hauteur).

Le système solaire est une partie de la Voie Lactée (qui est une nébuleuse spirale). Celle-ci n’est elle-même qu’une partie de l’univers.

Malgré ces grands déplacements simultanés de notre planète, à très grande vitesse,  nous gardons l’impression générale d’une grande stabilité. Cela tient au fait que la terre attire à elle tout ce qui se trouve à sa surface: c’est la gravitation terrestre qui donne aux choses leur poids. La terre attire les choses comme l’aimant la limaille de fer. Cette attraction a plusieurs effets heureux: où que nous soyons sur le globe terrestre, nous nous sentons toujours « au-dessus »; les eaux des lacs, des fleuves et des océans « collent » à la terre. Par contre l’influence de la pesanteur semble disparaître dans les engins spatiaux ou dans une station orbitale: les cosmonautes n’ont plus de poids. Ils sont en apesanteur.

Devant la merveilleuse structure de cet immense univers, je suis en admiration pour le Créateur. Une prière biblique exprime cette admiration. « Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains. Le jour au jour en livre le récit, la nuit à la nuit en donne connaissance. Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende, mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle aux limites de la terre ». (Psaume 19)

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 28 août 2018

 


BIBLE DANGEREUSE

La Réforme protestante a commencé par une contestation interne qui reprochait à l’Eglise d’admettre des pratiques et de tenir des discours contraires à l’Évangile. Les Réformateurs ne faisaient plus confiance aux responsables de l’Eglise et recommandaient les enseignements de l’Ecriture. L’Ecriture seule est la source de la foi, disaient-ils, et chacun l’interprète comme il l’entend. Ils diffusaient la Bible en langue vivante. (Luther a traduit la Bible en un dialecte allemand qui est devenu la langue officielle du pays. ) L’Eglise romaine s’est inquiétée.  Elle craignait que tout lecteur de la Bible ne devienne protestant. Pendant un temps, elle n’autorisa cette lecture qu’aux clercs.

La réaction positive de l’Eglise catholique s’est faite par le concile de Trente (en Italie du Nord). Ce concile remédia aux abus qu’avaient dénoncés les Réformateurs, révisa sa discipline et réaffirma ses convictions de foi.

Reconnaissant l’importance de l’Ecriture, l’Eglise continua de penser que l’autorité de la tradition vivante restait prioritaire. L’Ecriture est issue de cette tradition. Cela apparaît clairement pour le Nouveau Testament qui est la mise par écrit de la prédication des Apôtres et de la foi de l’Eglise qui sont plus anciennes.

Trois éléments du mobilier de nos églises datent de la réforme ou ont été marqués par elle. LES CONFESSIONNAUX sont une invention de St. Charles Borromée, évêque réformateur de Milan. Les fidèles pouvaient recevoir le sacrement du pardon dans ce meuble qui empêchait tout geste inapproprié du confesseur à l’égard des pénitentes.  LES CHAIRES A PRECHER étaient anciennes et avaient déjà été rapprochées des fidèles. Au temps de la réforme, elles sont passées vers le milieu de la nef et ont été surmontées d’un abat-voix. Le RETABLE était, au 11e s. une armoire à reliques placée sur ou derrière l’autel. Son ornementation s’est développée surtout au 13e s.  Il a pris plus d’ampleur par suite de la réforme: ses peintures et sculptures devinrent des éléments d’enseignement doctrinal. Plus tard, les retables devinrent monumentaux. Ils exaltaient la présence réelle du Christ dans le pain et le vin consacrés.

Le concile Vatican II a lancé une nouvelle réforme de la liturgie: tout se passe dans la langue des fidèles; le célébrant fait face à l’assistance, l’Ecriture est proclamée depuis le lutrin; le prédicateur commente les textes bibliques; chaque dimanche 3 lectures sont retenues (la première vient de l’Ancien Testament) ; les mêmes lectures ne reviennent qu’après 3 ans; une version abrégée est proposée quand un texte est long. Ces directives postconciliaires visent à promouvoir la culture biblique et à favoriser le rapprochement œcuménique. Il serait dommage de les ignorer.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 21 août 2018

 


SAINT-JACQUES DE COMPOSTELLE

Le 25 juillet, fête de St. Jacques, est jour férié en Espagne dont il est le patron.  Le tombeau de l’apôtre a fait la célébrité de la ville qui porte son nom. Selon les traditions, plus légendaires qu’historiques, il aurait évangélisé le pays depuis la côte N-O. Retourné à Jérusalem, il fut le premier apôtre martyr. Son corps aurait été ramené en Espagne et inhumé en Galice où il avait prêché. L’invasion des Barbares puis des Arabes (les Maures) expliquerait que le tombeau soit tombé dans l’oubli.

St. Jacques serait apparu à cheval au roi Ramiro qui, avec une petite armée d’Espagnols, luttait contre les Maures à Clavigo. Le cavalier céleste se mêla aux combattants et défit l’ennemi. C’est l’origine de St. Jacques-le-Matamore (massacreur de Maures) . Par la suite, la reconquête de l’Espagne par les chrétiens se fit sous le signe de St. Jacques.

La fête de St. Jacques y est célébrée avec éclat: un feu d’artifice éblouissant a lieu la veille. Une messe pontificale avec présence royale, a lieu le matin. Une procession escorte une statue de la Vierge et la statue de St. Jacques à cheval l’après-midi.

Une étoile aurait indiqué le champ où était inhumé l’apôtre. On a parlé du champ de l’étoile,  « campus stellae », d’où « Compostelle ».  On avance une autre explication: Des fouilles ont été faites sous la cathédrale. On y a trouvé le tombeau d’un évêque. Cette découverte aurait donné le nom de « compostela », cimetière.

Dans le chœur de la cathédrale, les fidèles se recueillent devant le reliquaire placé sous l’autel. Au-dessus de l’autel est placé un buste du saint dont les fidèles, montés par un escalier situé derrière, vont baiser le manteau.

Le pèlerinage connut un essor particulier à partir du 11e s.  au moment où l’invasion turque rendit périlleux le voyage en Terre Sainte. Le pèlerinage à St. Jacques fut déclaré aussi méritoire que ceux de Jérusalem et de Rome. Des routes furent tracées sur tout l’itinéraire.

Vêtus d’un grand manteau sans manches (la pèlerine) , coiffés du chapeau à large bord décoré de la fameuse « coquille de St-Jacques », les pèlerins portaient la calebasse attachée au bâton qu’ils appelaient « bourdon » et la besace. On croit savoir que la coquille est devenue l’insigne du pèlerinage parce que l’océan n’est qu’à 30 km et que l’on y trouve beaucoup de ces coquilles. Elle servit d’emblème et de souvenir.

Au cours des siècles, la foi qui animait les « Jacquots » s’est émoussée. Des bandes de faux pèlerins ont troublé les choses. Plus tard, les guerres de religion ont freiné le mouvement qui fut contesté par l’esprit critique de la Renaissance. En 1589, l’archevêque de Santiago, par peur d’un corsaire, fit cacher les reliques. C’était la fin du pèlerinage. En 1879, on redécouvrit des restes qui furent reconnus comme ceux qui étaient cachés.  Aujourd’hui, Santiago est une des cités les plus connues d’Espagne. Elle attire à nouveau un nombre croissant de visiteurs et de pèlerins.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 14 août 2018

DES PAPES À AVIGNON

L’imposant palais des papes à Avignon est connu. Mais quand et pourquoi des papes ont-ils résidé en cette ville ?

Le pape Boniface VIII était en conflit avec le roi de France Philippe le Bel au sujet de la suprématie du pouvoir: le pouvoir spirituel l’emportait-il sur le pouvoir politique? Autrement dit: l’autorité temporelle est-elle subordonnée à l’autorité spirituelle? La querelle s’envenima: le roi Philippe envoya un commando s’emparer du pape à Anagni (Italie). Délivré par la population, Boniface mourut un mois plus tard à Rome (1303). Son successeur, Benoît XI, ne régna que 8 mois. En 1305 Philippe le Bel fit pression en faveur de l’élection d’un pape français à sa dévotion: Clément V qui sera le premier pape d’Avignon.

A l’origine, sa présence à Avignon n’était que momentanée: il voulait y préparer le concile qui devait avoir lieu non loin de là, à Vienne sur le Rhône, et être plus près de Paris pour négocier avec le roi.

Sous la pression du roi, le pape prononça la dissolution de l’Ordre des Templiers.  C’était le signe de la faiblesse du pape vis-à-vis du roi. Son successeur Jean XXII (1316-1334), un autre français, rendit l’installation des papes à Avignon durable. En effet, des troubles agitaient Rome et l’Italie. Sept papes français ont vécu à Avignon. Cette continuité nationale était voulue: chaque pape peuplait la curie de compatriotes et, au moment de l’élection d’un pape, le roi veillait au bon choix. Urbain V (1362-1370) fit une tentative de retour à Rome qui ne dépassa pas 3 ans. Le retour définitif se fit avec Grégoire XI (1370-1378) qui ne s’arrêta pas à l’obstruction intéressée des cardinaux et du roi de France. II fut accueilli triomphalement à Rome mais mourut quelques mois après. Sa succession allait provoquer le Grand Schisme d’Occident.

La présence des papes à Avignon dura 70 ans.  Elle y laissa des traces notoires.  Le palais des papes est un des plus remarquables exemples de l’architecture du 14e s.  Il comprend 2 grandes parties: le Palais-Vieux et le Palais-Neuf. C’est un vaste château médiéval, à la fois forteresse et palais, dont la puissance défensive est impressionnante. Les papes procédèrent à de nombreuses constructions et favorisèrent les arts et les lettres. Ils menaient un train de vie luxueux et étalaient le faste de leur cour. Le personnel était nombreux. Tout cela exigeait beaucoup d’argent. Les papes étaient les souverains des Etats Pontificaux en Italie.  L’anarchie y régnait et les revenus de ces Etats diminuaient. Le prix des services et les impôts furent augmentés.

L’éloignement des papes indisposait les Italiens et suscita dans la population romaine un vif ressentiment. La fiscalité pontificale rendait les papes impopulaires. Leur exil était appelé la « captivité Babylonienne ».  Ce long séjour en France était le signe de la dépendance des papes à l’égard du roi de France. La prépondérance française causa dans l’Eglise un profond malaise. Le prestige de la papauté se trouva gravement atteint.

A cette époque, l’Europe fut frappée par la peste noire: des villages et des villes furent dépeuplés. L’Europe perdit un tiers de sa population. Les contemporains considérèrent la « mort noire » comme la punition de Dieu contre la déchéance de la papauté.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 10 juillet 2018

PAPES EN NOMBRE

Nous vivons actuellement dans l’Eglise catholique une situation originale. Il y a à Rome DEUX PAPES: un pape émérite depuis qu’il a renoncé à sa charge, BENOIT XVI et son successeur depuis 2013, FRANCOIS qui exerce sa charge sans être gêné par son prédécesseur très discret.

L’année 1978 fut l’année de TROIS PAPES successifs. Le pape PAUL VI mourut le 6 août au terme d’un pontificat de 15 ans. Son successeur JEAN-PAUL I ne fut pape que pendant 33 jours. Son successeur JEAN-PAUL II fut intronisé le 22 octobre pour un pontificat qui prit fin en 2005. Il fut le premier pape non-italien depuis Adrien VI au 16es son pontificat a été l’un des plus longs de l’histoire de la papauté.

Au 15e s.  l’Eglise fut empêtrée dans une crise grave puisque pendant 8 ans, il y eut TROIS PAPES simultanés et concurrents. Ce fut le moment le plus pénible de ce « Grand schisme d’Occident » qui a duré de 1378 à 1417, plongeant l’Eglise dans le désarroi pendant 39 ans.

Il faut savoir qu’avant cela et pendant 70 ans, les papes avaient résidé à Avignon.  Le dernier d’entre eux, GREGOIRE XI, un français, retourna à Rome où il mourut l’année suivante, en 1378. Les cardinaux réunis en conclave à Rome pour élire un nouveau pape étaient 16 (sur 23 que comptait le Sacré Collège): 11 Français, 4 Italiens et un Espagnol. Le peuple romain manifesta avec force pour obtenir un pape romain.  En avril, un pape était élu: URBAIN VI. Il était italien. Tout de suite, il déclara la guerre à tous les abus, provoquant l’hostilité de la curie. En septembre, les cardinaux français et l’espagnol, réunis à Fondi, mirent en doute l’équilibre d’URBAIN VI et, considérant que son élection avait eu lieu sous la contrainte, la déclarèrent invalide. Ils élirent un nouveau pape: CLEMENT VII. Les partisans des 2 papes s’affrontèrent près de Rome. Clément, vaincu, se retira à Avignon. Deux papes étaient en présence : c’était le Grand Schisme.             

Chaque pape s’entourait de cardinaux pour élire un successeur. Les 2 papes excommunièrent chacun son rival et ses partisans. La division touchait toute l’Eglise.  A Avignon, en 1394, Clément VII mourut. Chacun des électeurs fit serment d’abdiquer s’il était élu, mais BENOIT XIII, désigné, refusa de tenir parole et s’obstina jusqu’à sa mort.

Les cardinaux des 2 obédiences s’accordèrent pour convoquer un concile général à Pise en 1409, mais les 2 papes s’abstinrent et furent déposés. Un nouveau pape fut élu: ALEXANDRE V. Décédé peu après, il fut remplacé par JEAN XXIII. Les 2 autres n’abdiquèrent pas: l’Eglise avait 3 papes.

Le concile de Constance (1414-1417) mit fin au schisme: il exigea la démission des 3 papes: Grégoire XII à Rome se retira, Jean XXIII, déposé, s’enfuit, Benoit XIII fut déposé. Il n’était plus soutenu par personne. Le concile élit le pape MARTIN V.

Pour la période du Grand Schisme, la liste officielle des papes ne cite que ceux qui résidèrent à Rome. Les autres ne sont pas repris: ils ont été élus irrégulièrement. Quand le cardinal Roncalli devint pape en 1958, il prit le nom de JEAN XXIII.  Il approuvait la position de cette liste qui, par contre, cite les papes d’Avignon du 14e s.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 3 juillet 2018

BIENFAITS ET DANGERS DE L’EAU

L’eau est un élément naturel remarquable. Elle est un liquide incolore, inodore et insipide, certes, mais elle a des particularités étonnantes. Elle est liquide à température normale, mais elle gèle à O degré, elle devient solide. En devenant « glace » elle perd de son poids et flotte sur l’eau. Par contre, chauffée à 100 degrés, elle bout et s’évapore pour devenir « gaz ».  L’énergie de la vapeur a été domestiquée dans les machines à vapeur. (On avait déjà exploité la force de l’eau par les roues à eau qui transformaient l’énergie d’une chute d’eau en énergie mécanique).

Sous l’effet du soleil, l’eau s’évapore des océans, des lacs, des fleuves, des rivières, des sols et de la transpiration des végétaux. La vapeur libérée se répand dans l’air. Lorsque l’air est saturé en vapeur d’eau, celle-ci se condense en formant des nuages qui transportent l’eau au-dessus des continents et les arrosent par les précipitations de pluie, de grêle ou de neige. L’eau joue un rôle important dans le climat.

L’eau est aussi appelée « l’or bleu », par contraste avec « l’or noir » qu’est le pétrole et « l’or blanc » qu’est la neige en tant que ressource touristique. Les barrages retiennent l’eau et en exploitent l’énergie en la faisant passer dans les turbines des centrales électriques.

Une molécule d’eau se compose de 2 atomes d’hydrogène et de 1 atome d’oxygène. Cette définition chimique est bien sèche pour l’eau qui est le constituant principal, en volume, des êtres vivants. L’eau est vitale pour tous les vivants. Un humain rejette chaque jour jusqu’à 3. 000 g. d’eau. Il doit absorber 1. 700 g d’eau en boisson.  Il peut mourir de soif en 2 ou 3 jours.

Le manque de pluie provoque la sécheresse et la famine. La pluie, les sources, les rivières et les fleuves fertilisent les sols et permettent aux humains de se nourrir des fruits de la terre. Jardiniers et cultivateurs s’activent pour arroser ou irriguer les terres en cas de besoin.

L’eau est partout présente dans notre vie quotidienne: on la boit, elle sert en cuisine, pour la lessive, dans nos salles de bain et nos installations sanitaires; elle transporte la chaleur depuis nos chaudières dans nos radiateurs. Une comparaison s’impose: les courants marins des océans déplacent, selon une direction relativement stable, à une vitesse modérée et un débit élevé, des masses d’eau chaude ou froide autour du globe. Ils sont comme le chauffage central du globe terrestre.

L’eau nous procure de multiples bienfaits, mais elle est aussi un danger. D’abord,  les pluies trop abondantes provoquent des inondations.  Ensuite,  l’eau s’infiltre partout. L’entretien d’un bâtiment requiert l’étanchéité des toits et des murs ainsi que l’évacuation des eaux de pluie.

Le croyant considère l’eau comme un signe de la bienveillance du Créateur. Les auteurs bibliques de l’Ancien Testament voyaient dans les sécheresses et les inondations des signes de la colère de Dieu causée par leurs péchés.

Dans le baptême chrétien,  l’eau est symbole de la vie divine répandue en notre âme.  L’eau versée en est le signe sacramentel.

Avec François d’Assise, louons le Seigneur « pour notre sœur l’eau, laquelle est si utile, si humble, si précieuse, si pure ».

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 26 juin 2018

CARRIÈRE BRISÉE

Il baptisait dans le Jourdain. Nous l’appelons Jean-Baptiste. Il était le précurseur du Messie. Il clôturait le temps des prophètes anciens. Comme eux, il dénonçait les fautes et les crimes de son temps. Comme eux, il parlait du Messie dont il était contemporain et cousin: il l’a montré du doigt. Il a fait la transition entre l’Ancien Testament et le Nouveau.

Avant d’entrer en scène, il s’est retiré au désert pour une longue préparation. On se demande s’il a été en contact avec les Esséniens de Qumrân près de la mer Morte. Il a ensuite annoncé la venue imminente du Messie et l’urgence de la conversion. Les foules venaient se faire baptiser dans le Jourdain en signe de repentir. Jésus lui-même se fit baptiser. Jean lui rendit témoignage en le désignant comme l’Agneau de Dieu et le Messie d’Israël.

Mais Jean-Baptiste ne devait pas voir l’avènement du Royaume qu’il annonçait.  Mis en prison par Hérode Antipas à qui il reprochait d’avoir épousé Hérodiade,  la femme de son frère, il fut décapité dans sa prison à l’occasion d’une fête royale.

Jésus lui-même a fait l’éloge du Baptiste. Les juifs attendaient le retour de l’ancien prophète Elie comme précurseur du Messie. Jésus leur dit: « Il est Elie qui doit revenir ».

La naissance du Baptiste a eu lieu dans des circonstances semblables à celles que connurent les naissances de ces enfants miraculeux de l’Ancien Testament que furent Isaac, Samson et Samuel: sa mère fut stérile jusque-là et sa naissance fut annoncée par un message céleste.

L’évangéliste St. Luc présente les parents : Zacharie était prêtre et Elisabeth était descendante d’Aaron, frère de Moïse et son assistant,  ancêtre de la classe sacerdotale. Ils étaient pieux et irréprochables. Ils étaient sans enfant: Elisabeth était stérile et tous deux étaient âgés. Malgré tout, ils priaient Dieu de leur donner la joie d’être parents. La stérilité était considérée comme une honte et même comme une punition. Quand elle sera enceinte, elle attendra cinq mois avant de faire part de la bonne nouvelle.

Luc parle aussi de l’apparition de l’ange Gabriel à Zacharie au temple. L’ange lui annonce la naissance de l’enfant auquel il devra donner le nom de Jean. La mission de l’enfant consistera à former un peuple préparé. Zacharie, pensant à son âge et à celui de sa femme, a des doutes et demande un signe. Un signe peu réjouissant lui est donné: il devient muet et sourd. Ce signe est aussi interprété comme une conséquence fâcheuse de son incrédulité.

Le précurseur est une figure biblique dont nous parle le Nouveau Testament.  Nous le vénérons comme saint.

Nous fêtons son martyre le 29 août. Mais la liturgie n’accorde à cette fête qu’un statut mineur. Généralement nous fêtons les saints au jour anniversaire de leur mort qui, pour l’Eglise, est le jour de leur naissance au ciel.  Dans la liturgie romaine, il y a cependant des exceptions. Trois fêtes commémorent la naissance en notre monde de saints qui jouissent de ce privilège.  Le 8 septembre nous fêtons la Nativité de Marie au sujet de laquelle nous ne savons rien: l’Ecriture n’en parle pas. Il y a surtout deux solennités dont la plus connue est celle du 25 décembre, Noël, qui célèbre la naissance du Christ,  et celle du 24 juin qui célèbre la naissance de Jean-Baptiste. L’Eglise a christianisé les célébrations païennes du solstice d’été comme elle l’a fait pour Noël au solstice d’hiver. A la fête du 24 juin était liée la tradition des feux de la saint Jean avec leurs réjouissances.        

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 19 juin 2018       

PAGE PERDUE

L’évangile selon St Marc se termine mal. Son chapitre 16 est le dernier. Il parle des femmes allant au tombeau de Jésus au lendemain du sabbat, donc le jour de Pâques. Elles y vont de grand matin avec des aromates pour embaumer le corps de Jésus. Elles s’inquiètent :qui va leur rouler la pierre qui ferme le tombeau? Elles voient que la pierre est roulée. Elles entrent: un ange leur annonce que le Christ est ressuscité et les charge d’annoncer la nouvelle aux disciples. « Sorties du tombeau, bouleversées et tremblantes, elles s’enfuirent et ne dirent rien à personne, car elles avaient peur ».

Le récit en reste là .Non seulement les femmes n’ont pas transmis le message, mais en plus le récit est coupé: on ne parle plus des femmes. Cette fin subite du récit porte les commentateurs à penser que la fin de l’évangile a été perdue très tôt et a été remplacée par le texte actuel des versets 9 à 20. Cette finale de remplacement connue dès le 2e s. fut mise en doute par certains auteurs anciens et manque dans plusieurs manuscrits. Elle n’est pas de la plume de Marc:   son vocabulaire et son style diffèrent du reste de l’évangile. Cela ne l’empêche pas de faire partie du Nouveau Testament et de refléter l’authentique tradition primitive.

Cette finale résume 3 apparitions dont parlent les autres évangiles et cite des faits rapportés par les Actes des Apôtres. Ensuite, elle parle de l’ordre de mission que le Christ donne à l’Eglise: annoncer l’Évangile à tous les hommes. L’ensemble se termine par un récit d’Ascension et d’accomplissement de la mission. (Cette mention fait que ce passage est bien à sa place dans le cadre de la fête de l’Ascension).

Les communautés nouvelles du Renouveau dans l’Esprit lisent volontiers cette finale qui demande aux disciples d’annoncer la Bonne Nouvelle à toute la création et qui leur annonce les signes prodigieux qui accompagneront ceux qui deviendront croyants. Ces signes sont des dons, des charismes que certains recevront pour soutenir la foi de la communauté et promouvoir l’expansion de l’Evangile.

Le récit de Marc sur les femmes venues au tombeau s’arrête donc brusquement. Une finale de remplacement achève le livret. La finale de Marc lui-même nous est inconnue. Nous ne saurons jamais ce que Marc avait écrit dans cette page perdue.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 11 juin 2018

DES PRÊTRES POUR DEMAIN

Le nombre de prêtres est en baisse dans nos régions. Le nombre des fidèles pratiquants aussi. La foi elle-même est en baisse. Tout se tient.

Voyons la situation actuelle en ce qui concerne les candidats au sacerdoce.  Les 4 diocèses francophones de notre pays, Namur (qui comprend les provinces de Namur et de Luxembourg), Tournai, Malines-Bruxelles et Liège, se sont accordés pour rassembler en un seul séminaire, celui de Namur, leurs candidats au sacerdoce. Leur formation s’étale sur 7 ans: 1 an de préparatoire, 2 ans de philosophie et 4 ans de théologie. Les étudiants sont encadrés par 7 prêtres formateurs.

En avril 2018 il y avait 29 séminaristes en formation. Ce groupe est imposant. N’oublions pas qu’ils sont répartis en 7 années. Ils sont donc 4 par année. Ils viennent de 4 diocèses. Il est à prévoir que dans les prochaines années il y aura un nouveau prêtre par an dans chaque diocèse.

Les candidatures sont évaluées selon 3 critères que l’on souhaite retrouver dans les motivations des candidats. Il est utile de faire connaître ces critères à tous les fidèles: ils se développeront dans le cœur des jeunes gens dans la mesure où ils animent les communautés dont ils sont issus.

Aime-t-il le Christ? C’est la question que Jésus ressuscité posait à Pierre avant de lui confier sa mission: « Pais mes brebis ». C’est aussi la question que la Vierge au cœur d’or posait aux 5 enfants de Beauraing auxquels elle est apparue: « Aimez-vous mon Fils? » La question est posée à chaque chrétien.

Aime-t-il l’Eglise? Il y a de la contestation dans l’Eglise. L’esprit critique est fort développé chez certains. Nous savons aussi que la critique est aisée mais l’art difficile. On souhaite qu’un futur prêtre, tout en étant conscient des faiblesses, voire des erreurs de l’Eglise, reconnaît qu’elle est l’instrument voulu par le Seigneur pour communiquer sa grâce.          

Aime-t-il les gens? C’est le contraire du mépris et de l’indifférence. C’est le fondement de l’estime et de la bienveillance.  L’amour des autres est la source du dévouement et de la générosité que les fidèles apprécieront chez leurs pasteurs.

Au cours des années de préparation, les formateurs ont le souci de développer chez les étudiants 4 aptitudes au ministère.

Ils sont attentifs à l’aspect relationnel des jeunes: sont-ils à l’écoute des autres, ouverts au dialogue avec autrui?

Ils veillent à les aider à devenir des hommes de prière en les encourageant sur le chemin de la vie spirituelle.

Ils demandent aux séminaristes de fournir un travail intellectuel en suivant leurs cours et en étudiant pour comprendre la doctrine afin de pouvoir enseigner.

Ils recommandent aux séminaristes l’image du pasteur qui est au service de l’Eglise. Ils seront prêtres non pas pour être servis, mais pour servir.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 4 juin 2018

LES AMÉRICAINS ET ISRAËL

Le 14 mai 2018, l’Etat d’Israël fêtait les 70 ans de la déclaration de son indépendance. Le président américain Trump avait choisi ce jour pour l’inauguration de l’ambassade de son pays transférée à Jérusalem,  provoquant la colère des Palestiniens,  des pays arabes et de la communauté internationale.

Ce transfert de Tel-Aviv à Jérusalem avait été annoncé par le candidat Trump pendant sa campagne électorale. Cette annonce était faite pour séduire les nombreux électeurs américains qui soutiennent l’Etat d’Israël et qui se sont réjouis de voir que l’initiative promise a été réalisée.

Plusieurs raisons expliquent ce soutien très affirmé de l’Etat juif par l’électorat américain.

Il y a d’abord le grand nombre d’Américains juifs. Les juifs sont nettement plus nombreux aux Etats-Unis qu’en Israël. Ils sont influents et ne manquent pas de moyens. Leur soutien à Israël est efficace.

Ensuite, le protestantisme est la religion majoritaire aux Etats-Unis.  Beaucoup lisent la Bible à la manière des fondamentalistes: ils prennent les textes au pied de la lettre. Puisqu’il est écrit que Dieu a donné à son peuple la terre qu’il lui avait promise, cette terre appartient à Israël par-delà les siècles, malgré tous les bouleversements intervenus dans ce pays au fil des siècles. Ils estiment que les juifs immigrés en Palestine en notre temps occupent légitimement le pays comme leurs ancêtres qui, après avoir fui l’Egypte, se sont installés en Canaan, leur « Terre promise ».

Enfin, il y a une 3e chose qui explique que les Américains soutiennent Israël.  Ils sont en effet les descendants d’Européens émigrés vers le Nouveau Monde. Ils s’y sont installés en bousculant les habitants du pays, les « Indiens d’Amérique ». Ils éprouvent une sympathie spontanée pour ces juifs émigrés d’Europe et d’ailleurs qui ont fondé en Palestine un Foyer National Juif, devenu l’Etat d’Israël,  bousculant les habitants palestiniens dont beaucoup se sont réfugiés dans les pays arabes voisins lors de la première guerre arabo-israélienne qui eut lieu en 1948.

Les Américains n’ont garde de reprocher aux Israéliens de faire ce qu’ils ont fait eux-mêmes.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 29 mai 2018

COMMENT SALUER UN HOMME D’ÉGLISE

Les Visétois avec qui j’étais au patro dans ma jeunesse m’appellent par mon prénom.  Les membres des 2 équipes de Fraternité de Route que j’ai accompagnées avant 1983 font de même. C’est bien sympathique. Je retrouve en Basse-Meuse des anciens élèves du collège St. Barthélemy à Liège où j’ai été leur « professeur ».  Parmi les bénévoles de la clinique de Hermalle je retrouve un paroissien de St. Nicolas-lez-Liège : pour lui je suis « l’ancien vicaire ». Mes anciens paroissiens du Longdoz à Liège, de Comte et d’Amay continuent à m’appeler « M. le curé ». Pour les scouts, les patros et les jeunes étudiants,  j’étais « aumônier ». Dans les équipes de foyers j’étais « conseiller spirituel ». Depuis que je suis retraité, je n’exerce plus aucune de ces fonctions.

Je suis un homme d’Eglise, ecclésiastique, clerc. J’ai été ordonné prêtre par l’évêque de Liège, Mgr. van Zuylen. Je participe au sacerdoce de l’évêque de Liège au ministère duquel j’ai été associé pour assumer un service d’Eglise.

L’ensemble des clercs, le clergé, se distingue des fidèles laïcs. Le clergé séculier exerce son ministère dans un diocèse (dans le monde, le siècle). Le clergé régulier est celui dont les membres sont religieux et vivent en couvents (selon une règle) Comment appeler un prêtre qui,  officiellement,  n’assume plus aucun ministère?

En Belgique, tout prêtre séculier qui n’exerce aucune fonction ou dont on ne connaît pas la fonction, est appelé « abbé ». Ce mot vient de l’hébreu « abba » qui signifie « père ».  En France, les fidèles donnent à leurs prêtres le titre de « père ». A l’armée belge,  les militaires donnent à leurs aumôniers le titre de « padre ».

Si vous connaissez la fonction du prêtre, celle-ci est le titre par lequel vous le saluez. Un « vicaire » exerce son ministère en paroisse sous l’autorité d’un curé. Le « curé » est le prêtre responsable d’une unité pastorale. Il en a la cure, le souci.  S’il est à la tête de plusieurs unités pastorales réunies en doyenné, il est « doyen ».  S’il fait partie du groupe de prêtres qui entoure l’évêque dans sa cathédrale pour assurer la prière des offices, il est « chanoine ».  Dans les sanctuaires comme Banneux,  le « recteur » est le responsable de l’équipe pastorale et ses collaborateurs prêtres sont « chapelains ».  Les laïcs ordonnés « diacres » assument certaines fonctions en paroisse.  L’évêque s’entoure d’une équipe de prêtres dont il fait ses proches collaborateurs: ces « vicaires épiscopaux » forment le conseil épiscopal dont le « vicaire général » est le principal.

L’évêque gouverne une Eglise particulière, un diocèse, en communion avec le pape, évêque de Rome, et les autres évêques. Il est le seul à qui les fidèles continuent à donner le titre de « Monseigneur » malgré le souhait de plus de simplicité exprimé après le concile. On suggérait les titres de « père évêque » ou « Monsieur l’évêque ».  Mais ces dénominations ne sont pas entrées dans l’usage.

L’évêque placé à la tête d’une province ecclésiastique est « archevêque ».  L’archevêque de Malines-Bruxelles est en outre « primat de Belgique ». Mgr De Kezel a été nommé « cardinal »: Il est devenu membre du sacré-collège qui forme le conseil du pape et élit un nouveau pape en cas de vacance du siège pontifical.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 22 mai 2018

PENTECÔTE FRUCTUEUSE

A la Pentecôte, les chrétiens célèbrent la venue de l’Esprit-Saint sur les apôtres réunis à Jérusalem. Le récit que nous en donne St. Luc dans le livre des Actes des Apôtres est à l’origine de l’imagerie qui illustre l’événement. Il parle de vent violent, de langues de feu et de discours compris par des gens de langues multiples.

L’Esprit survint alors que, depuis l’Ascension, les apôtres avec quelques femmes dont Marie et des frères, attendaient dans la prière que l’Esprit promis fut donné. Cette prière, commencée à l’Ascension, 40 jours après Pâques, s’est poursuivie jusqu’à la Pentecôte, 50e jour après Pâques. Elle a donc duré 9 jours et fut exaucée. Ce fut la première neuvaine de l’histoire de l’Eglise.

Le mot « Pentecôte » dérive du grec « pentècostè »: cinquantième. Le calendrier des fêtes religieuses a retenu pour cette fête le moment auquel St. Luc situe l’événement.

La Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte étalent dans le temps les 3 aspects du même événement pascal. Le don de l’Esprit est l’aboutissement de Pâques. L’Eglise en est le fruit. Les apôtres, timides et craintifs, deviennent des témoins audacieux. Pierre, après avoir expliqué ce qui se passe, annonce le Christ ressuscité et appelle à la conversion. Ceux qui accueillirent sa parole reçurent le baptême: ils étaient 3. 000. L’effusion de l’Esprit accomplissait les promesses de Dieu faites à Israël et inaugurait les temps messianiques.

C’est dans le cadre de l’histoire sainte d’avant le Christ qu’a commencé l’histoire sainte du nouveau peuple de Dieu. En effet, l’Esprit fut répandu au moment où les pèlerins juifs étaient nombreux à Jérusalem pour fêter la Pentecôte juive qu’ils appelaient aussi « fête des semaines ». Elle avait lieu « une semaine de semaines » (7×7 jours49 jours) après la Pâque juive. La Pentecôte juive comportait 2 aspects. Elle rendait grâce pour les moissons dont on offrait les premières récoltes et elle commémorait la conclusion de l’alliance de Dieu avec son peuple au temps de Moïse au Sinaï. Ces 2 aspects se retrouvent dans la Pentecôte chrétienne. D’une part, alors que la loi de l’alliance ancienne, le décalogue, fut gravée dans la pierre, la loi d’amour de l’alliance nouvelle fut inscrite par l’Esprit dans le cœur des croyants. D’autre part, au moment où les pèlerins juifs offraient au temple les prémices de leurs récoltes, la jeune Eglise récoltait les premiers fruits de sa prédication rendue efficace par l’action de l’Esprit.

Les traditions rabbiniques juives ont développé la description des phénomènes qui ont accompagné la manifestation de Dieu au Sinaï. Les allusions de Luc au vent violent et aux langues de feu s’inspirent de ces traditions. Le phénomène d’un même discours compris par des auditeurs de langues différentes, est mystérieux. Il a existé dans des communautés anciennes et se produit aujourd’hui dans des communautés charismatiques qui redécouvrent les charismes (dons) de l’Esprit.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 15 mai 2018

DANGER D’ALIMENTATION TOXIQUE

L’application des découvertes scientifiques a des effets sur notre vie et sur notre alimentation. Il est bon d’en être averti.

Ainsi, on manipule le programme génétique de certains êtres vivants pour leur donner des caractéristiques nouvelles. On introduit dans le programme de ces organismes des gènes provenant d’autres organismes pour leur donner un ou plusieurs caractères nouveaux. Cela favorise leur croissance, leur vigueur et leur capacité à élaborer des substances biologiques. Ces organismes ainsi dopés sont des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Ces OGM ont d’abord été conçus pour la médecine dans la fabrication de substances thérapeutiques. Ils servent aussi à améliorer la production agricole en augmentant son rendement. Les OGM résistent aux maladies, aux parasites, aux plantes nuisibles, au gel et aux herbicides.  Ensuite,  pour éliminer tout ce qui est nuisible, on pulvérise les champs de pesticides. Déjà l’usage des OGM pose question. Mais la pulvérisation de pesticides laisse dans les céréales, les légumes et les fruits des résidus nocifs. On se permet d’utiliser des pesticides d’autant plus puissants que l’on sait que les OGM leur résistent.

Un pesticide est une substance chimique qui détruit un nuisible. Il peut s’agir d’insectes (on parle alors d’insecticide), de mauvaises herbes (herbicide) ou encore de champignons (fongicides).

Du coup, les exploitations agricoles ont grandi, les monocultures ont été privilégiées et l’usage des pesticides s’est généralisé.  Depuis 1980, la Belgique a perdu 63 % de ses fermes, principalement les petites structures. Ce chiffre reflète une tendance à la disparition des petits agriculteurs et à une concentration grandissante aux mains de grandes exploitations agro-industrielles.

Cela devait augmenter la production agricole. Mais cette agriculture intensive appauvrit le sol en nutriments. Pour obtenir chaque année la même récolte, il faut utiliser toujours plus d’engrais et de pesticides car les nuisibles se font plus résistants. Les pesticides se propagent partout dans notre environnement et nous exposent à des substances chimiques nocives. Cette contamination peut avoir des effets alarmants. Les pesticides contaminent l’air, la terre et les rivières, ils détruisent la faune et la flore et provoquent des mutations chez les insectes et les mauvaises herbes, tuent les abeilles, causent des maladies professionnelles des agriculteurs et des maladies chroniques chez les riverains. Les plus vulnérables sont les enfants (dès avant leur naissance) et les personnes qui diffusent ces substances chimiques. Des résidus de pesticides se retrouvent dans les aliments qui ont été traités aux pesticides. C’est dans l’alimentation que l’on retrouve le plus de traces de pesticides avec des risques importants pour la santé.

Notons que la fabrication et la vente des pesticides est très rentable. 6 multinationales se partagent 76% du marché mondial de produits agrochimiques.  Elles dominent un modèle d’agriculture industriel largement dépendant des produits chimiques qui font tant de tort à l’environnement. En même temps, les agriculteurs peinent,  enfermés dans un modèle productiviste qui les rend dépendants de ces substances toxiques.

Une dernière réflexion: Des multinationales ont longtemps affirmé que pour nourrir la population mondiale en augmentation constante, les pesticides étaient nécessaires.  Les spécialistes expliquent, au contraire, que c’est en soignant et en nourrissant écologiquement la terre qu’on pourra nourrir le monde de demain. Cela tout en favorisant les exploitations familiales.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 8 mai 2018

ASCENSION PROMETTEUSE

La fête de l’Ascension célèbre la montée au ciel du Christ ressuscité. En fait, c’est sa dernière apparition aux apôtres réunis. Dès lors, il a cessé de les accompagner de manière visible, tout en leur restant présent. Désormais, il ne sera plus visible qu’aux yeux de la foi. Il ne faut donc pas s’attarder à regarder le ciel, mais s’attacher à découvrir sa présence active dans le quotidien. Il ne s’agit pas d’abord d’attendre sa venue à la fin des temps mais de percevoir sa venue discrète mais réelle dans la vie de tous les jours. Sa venue définitive sera moins un « retour » que la manifestation finale de cette présence permanente.

St. Luc, l’auteur d’un évangile, est aussi l’auteur du livre des Actes des Apôtres. Il nous propose 2 récits différents de l’Ascension: 1 à la fin de l’évangile, 1 autre au début des Actes. Selon son évangile, Jésus les emmena vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Or, comme il les bénissait, il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Dans ce récit, Luc situe l’Ascension au jour de Pâques: il souligne ainsi que l’exaltation de Jésus est inséparable de sa résurrection.

Selon les Actes, l’Ascension eut lieu plus tard: « A eux il s’était présenté vivant après sa passion: ils en avaient eu plus d’une preuve, alors que pendant 40 jours, il s’était fait voir d’eux et les avait entretenus du Règne de Dieu ». Le récit fait de l’Ascension la conclusion des apparitions pascales et le point de départ de la mission des apôtres. Ces 40 jours peuvent aussi être compris comme une durée-type d’initiation à l’enseignement du Ressuscité, ou comme le temps-limite fondant l’autorité des premiers témoins. Selon les Actes, après l’Ascension, les apôtres quittèrent le Mont des Oliviers et regagnèrent Jérusalem.

Avant d’être enlevé à leurs regards, Jésus leur avait promis l’Esprit: « Je vais envoyer sur vous ce que le Père a promis. Demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez, d’en haut, revêtus de puissance » (Evangile de Luc).  Au cours d’un repas avec eux, il leur commanda de ne pas quitter Jérusalem mais d’y attendre la promesse du Père,  « celle que vous avez entendue de ma bouche: Jean a bien donné le baptême d’eau,  mais vous, c’est dans l’Esprit-Saint que vous serez baptisés » (Actes).

Relisons de plus près le récit des Actes sur l’Ascension: il insiste sur ce que les apôtres ont « vu ». « Sous leurs yeux » il s’éleva et une nuée vint le cacher à « leurs regards ».  Les anges leur reprochent de « garder les yeux fixés vers le ciel » et leur annoncent que Jésus viendra de la même manière que « vous l’avez vu » s’en aller.  Cette insistance est un code qui rappelle un récit ancien qui nous apprend ce que signifie le fait « d’avoir vu » Jésus s’en aller. C’est le récit de l’Ascension d’Elie dans le 2e livre des Rois, chapitre 2. Elisée savait que son Maître, le prophète Elie,  allait être enlevé au ciel. Elisée souhaitait bénéficier de la force de l’Esprit qui agissait en Elie. Quand Elie lui demanda ce qu’il pouvait faire pour lui, Elisée répondit: « Que vienne sur moi une double part de ton Esprit ». Elie dit: « Si tu me vois quand je serai enlevé, alors il en sera ainsi pour toi ». La vue était la garantie du don de l’Esprit. Quand Elie monta au ciel, dans la tempête, Elisée le « vit » puis il cessa de le « voir ». Dans la suite, il comprit qu’il jouissait de la puissance d’Elie.  « Ayant vu » quand Jésus fut enlevé, les apôtres eurent la certitude que l’Esprit promis leur serait donné. L’Ascension donnait la garantie de l’accomplissement de la promesse.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 2 mai 2018

LE PALAIS DEVINT CITE

Cette cité s’appelle SPLIT, en Croatie, sur la mer Adriatique. Elle compte près de 200. 000 habitants. Son centre historique est entouré de murailles géantes de 216 m sur 175 m. Cette vaste enceinte fut construite au 4e s. par un empereur romain qui fit bâtir à l’intérieur de ce périmètre un palais qui devait lui servir de résidence dans ses vieux jours. Au centre de ce complexe imposant, il fit construire le mausolée qui devait abriter sa sépulture.

Au 7e s. les Avars, peuple barbare venant d’Asie centrale, envahirent la région. Les habitants de Salona, ville toute proche, se réfugièrent à l’intérieur des murailles du palais. Ils transformèrent les couloirs en ruelles, cloisonnèrent les salles pour en faire des appartements, murèrent les parties inutiles, élevèrent des étages: la ville de Split était née. Autour des murailles, ils construisirent une nouvelle ville.

Salona était l’ancienne capitale de la province romaine de Dalmatie. Les vestiges imposants de l’amphithéâtre antique témoignent de la splendeur de cette ville. L’empereur Dioclétien, originaire de Salona, fit construire dans son pays natal, au bord de la mer, ce prestigieux palais qui est un exemple de l’art romain de la fin de l’Empire.

Né en 245, d’origine modeste, Dioclétien s’est engagé dans l’armée. Devenu consul, il commandait les gardes du corps. Après avoir tué le préfet du prétoire Aper, il fut proclamé empereur par ses soldats en 284. En ce temps de décadence, il rendit à I’ Empire sa puissance et sa sérénité. Il fut le dernier grand empereur de la Rome païenne. Il entreprit une vaste réforme administrative, militaire, judiciaire et financière. Il s’associa d’abord avec Maximien à qui il confia la partie occidentale de l’Empire, se réservant la partie orientale. Par la suite, il s’adjoignit 2 collaborateurs pour défendre l’Empire contre les barbares.

Les maîtres de l’Empire prirent comme modèles les anciens pharaons d’Egypte dont l’autorité absolue était sans limites. Les empereurs divinisés régnèrent sur leurs sujets avec un pouvoir absolu et sacré. Ils s’entourèrent d’un cadre et d’un rituel pompeux, imposant à leurs visiteurs des rites d’adoration.

L’attachement de Dioclétien à la religion traditionnelle et sa volonté de renforcer l’unité de l’Empire ne pouvaient que le rendre hostile au christianisme qui refusait d’adorer les empereurs divinisés.

Les chrétiens vivaient en paix depuis 30 ans dans l’Empire et le paganisme était proche de l’effondrement. Pendant 10 ans, Dioclétien ne fit rien pour changer cette situation. L’organisation centralisée de l’état supportait de plus en plus mal tout non-conformisme. L’opposition entre les chrétiens et ce régime de contrainte officielle ne fit que grandir. Galère, son collaborateur, poussa l’empereur à déclencher la persécution. Elle éclata en 295. Elle fut épouvantable. Ce fut la dernière, mais la pire. Elle dura 10 ans. L’Orient fut frappé plus que l’Occident.

La persécution battait son plein quand, en 305, les 2 empereurs abdiquèrent pour se retirer, chacun de son côté, dans un lointain domaine. Dioclétien, âgé de 60 ans, mais prématurément fatigué, se retira dans son palais dalmate. Après la double abdication, la persécution prit fin en Occident, mais se prolongea en Orient jusqu’en 311.  Dioclétien vécut dans son palais dalmate pendant 8 ans. A sa mort, en 313, sa dépouille fut placée dans son mausolée. Face à celui-ci, il avait fait construire un temple dédié à Jupiter.

Les Croates sont aujourd’hui chrétiens. Les édifices anciens ont changé d’affectation : le mausolée est devenu la cathédrale St. Domnius et le temple de Jupiter en est le baptistère.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 24 avril 2018

LA PATATE MIT FIN AUX FAMINES

Au Moyen-Age, les famines furent nombreuses en Europe à cause des guerres continuelles qui ruinaient les récoltes. En Europe occidentale, la famine ne disparut qu’au 18e s.  Cela n’empêcha pas ces Européens d’explorer le monde et d’exploiter les pays colonisés dès le 16e s.

Parmi les nouveautés ramenées en Europe figuraient des plantes qui furent d’un grand secours pour les colonisateurs, notamment la POMME DE TERRE. D’origine Sud Américaine, elle se répandit en Europe à partir de 1525. Les tubercules souterrains gorgés d’amidon, constituent la partie alimentaire. Fournissant 8 fois plus d’hydrates de carbone que le blé, elle fut appréciée. Les guerres des 17e et 18e s. favorisèrent sa propagation en Allemagne, tandis que la France ne l’adopta qu’avec réticence au moment des guerres de la Révolution et de l’Empire grâce à l’ingéniosité du pharmacien militaire Parmentier. Après la famine de 1785, il entreprit une expérience publicitaire de culture de la pomme de terre. Dans nos régions, on découpa la pomme de terre en bâtonnets que l’on fit frire dans la poêle ou cuire dans la graisse: les frites étaient nées. La pomme de terre supplanta progressivement les céréales dans de nombreuses régions du Nord et du Centre de l’Europe, tandis qu’au Sud, le maïs remplaçait le millet et le sorgho.

Le MAÏS est une autre plante ramenée d’Amérique du Sud. Il fut cultivé en Europe surtout pour l’alimentation du bétail. Le maïs est un aliment de choix pour le gavage des oies. Le maïs sucré fut introduit dans l’alimentation humaine. La farine de maïs sert à faire des gâteaux de pâtes et des bouillies comme la polenta italienne. Nous connaissons les pop-corns qui sont des grains de maïs éclatés à la chaleur, sucrés ou salés. La culture du maïs est importante pour l’alimentation humaine.

La TOMATE est un autre légume qui nous vient d’Amérique centrale et du Sud. Le mot qui la désigne est espagnol: il s’inspire d’un mot mexicain. Sa culture est fort répandue et son fruit charnu est consommé sous des formes très variées. Riche en vitamines,  la tomate est tellement présente dans nos cuisines que nous-oublions qu’elle n’est connue en Europe que depuis la découverte du Nouveau Monde.

Mais les colons ne nous ont pas ramenés que de bonnes choses d’Amérique. Ils y ont trouvé le TABAC. Le nom vient de l’espagnol « tabacco » qui l’a emprunté à un langage indigène. Il y en a plusieurs espèces. Le tabac commun donne le tabac à fumer,  à chiquer ou à priser. Ces 2 dernières manières de le consommer n’ont plus cours.  Le succès du tabac conduisit à une consommation excessive qui provoqua des réactions restrictives. De nos jours,  on ne cesse de rappeler la nocivité du « tabac qui tue ».

Lors des invasions des Européens en Amérique,  beaucoup d’indigènes moururent dans les combats: leur équipement militaire était très inférieur à celui des envahisseurs. Ils furent aussi contaminés par les microbes dont les Européens étaient porteurs et ils n’étaient pas immunisés comme eux : beaucoup en moururent. Ils ne pouvaient rien y changer: cela ne dépendait pas d’eux.

Le tabac venu d’Amérique fait mourir beaucoup d’Européens. Ils sont en mesure de réagir et de se défendre. Ils peuvent y changer quelque chose: cela dépend d’eux.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 17 avril 2018

SEREZ-VOUS BOUDDHISTE ? (2)

Comparons certains éléments de la sagesse bouddhiste et de la foi chrétienne. Les deux cherchent le salut, le bonheur. Ils le voient très différemment. Ils ont des visions très différentes de l’homme et du monde. Bouddha ne parle pas de Dieu.

Pour le bouddhisme, l’homme n’a pas de consistance et sa vie n’est que souffrance.  Il vit dans un monde qui est une pseudo-réalité négative dont il faut s’extraire.  Il trouve son salut dans le Nirvana, le « tout » dans lequel il se dissout. C’est une issue pessimiste.

Pour le christianisme, l’univers est la création d’un Dieu qui aime et qui pardonne. La morale chrétienne est motivée par l’amour. Les imperfections et les péchés ne mettent pas en cause la valeur de la religion: ils sont les effets des péchés des hommes. Nous en avons honte mais nous croyons au pardon de Dieu et nous nous pardonnons mutuellement. Nous ne sommes capables de vivre l’Evangile qu’avec l’aide du St. Esprit. Il ne s’agit pas d’éteindre tout désir mais de l’orienter vers la seule réalité désirable: Dieu qui comblera le désir profond de l’homme en l’accueillant dans son amour. Le chrétien vit dans la foi en communion avec Dieu grâce au Christ, il vit avec espérance dans l’attente de la plénitude d’un bonheur personnel et éternel.

De nos jours, sous l’influence du Zen, une certaine « méditation » est pratiquée par des chrétiens. Mais ce type de méditation ne coïncide ni avec ce qui est visé par la tradition orientale, ni avec la pratique habituelle occidentale. On emprunte la technique du Zen et l’intention profonde de la méditation chrétienne.

La méditation persévérante bouddhiste cherche à vider l’esprit de toute illusion et de tout raisonnement. Elle est sans objet puisqu’on veut maintenir l’esprit complètement vide de toute pensée. La libération est le fruit du travail personnel du méditant qui ne dispose que de ses propres forces.

Le chrétien qui consacre du temps à la prière se met d’abord en présence de Dieu.  Il écoute ou lit un enseignement religieux (lecture spirituelle) et le rumine dans sa pensée (méditation), Il fixe sa pensée sur celui à qui il parle (Oraison mentale). S’il éprouve le sentiment intime de la présence de Dieu, que sa mémoire paraît perdue, que sa pensée ne raisonne plus, il est entré en contemplation. Celle-ci est une grâce, une expérience mystique. L’Esprit Saint est à l’œuvre dans ces étapes successives: il est le moteur de la prière.

Un dernier mot pour souligner la grande différence entre le bouddhisme et le christianisme sur la destinée finale de l’être humain.

Pour le bouddhisme chacun passe par un cycle de réincarnations successives dans un autre être vivant. Ces réincarnations sont un progrès vers la libération finale ou une régression. Elles sanctionnent la vie qui s’achève. Le cycle ne s’achève qu’avec le vide complet de l’esprit et la dissolution dans le Nirvana.

Pour le chrétien, chaque personne est unique et ne vit en ce monde qu’une seule vie qui se déroule dans une histoire linéaire et s’épanouit dans une éternité heureuse en union avec le Dieu d’amour.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 10 avril 2018

 


SEREZ-VOUS BOUDDHISTE ? (1)

Les Occidentaux sont séduits par les spiritualités de l’Extrême-Orient. En pratiquant la méditation bouddhiste, on cherche la relaxation et le bien-être. Certains passent au bouddhisme et en acceptent les doctrines. On peut l’adopter sans être croyant : le Bouddha n’est pas un dieu et il n’a pas parlé de Dieu. Le bouddhisme est une sagesse plutôt qu’une religion. Il implique une conception de la vie, de l’homme et du monde, très différente de la nôtre.

La vie du Bouddha est connue par un récit historique et mythique à la fois. Siddhârta Gautama (6e s. avant le Christ) était prince au Nord de l’Inde. Il a d’abord vécu dans un palais et dans l’illusion. A 14 ans, il découvrit le monde : la maladie, la vieillesse et la mort ; la condition humaine. Il quitta le palais pour chercher le remède à ces souffrances : il pratiqua un renoncement radical, se livra à des longues méditations et finit par être « bouddha », « illuminé », « éveillé ». Il eut la conviction que tous les vivants sont prisonniers d’un cycle incessant de réincarnations, meilleures ou pires, méritées par leurs œuvres de la vie précédente, jusqu’à leur dissolution dans le Nirvana.

Il sut comment se libérer de ce cycle. Sa découverte se résume dans les quatre nobles vérités.

  1. L’existence est faite de souffrance, car rien n’est permanent : c’est un flux incessant de naissances et de morts, aussi au niveau des pensées et des émotions. La réalité est passagère.
  2. L’attachement aux choses, le désir, est la cause de la souffrance. Les actes motivés par le désir maintiennent, de vie en vie, attaché à la réalité illusoire.
  3. Renoncer à s’attacher c’est éteindre le désir et donc la souffrance. Le renoncement fait sortir du cycle des réincarnations.
  4. La pratique de la méditation libère de l’attachement par elle on prend conscience des désirs et de leurs conséquences et on s’en libère. On peut donc arriver au détachement total du monde et de soi qui n’est qu’une illusion de plus.

Le Nirvana est le but ultime. Ce n’est ni un lieu, ni un objet, ni un dieu, ni une grâce. C’est le détachement suprême qui n’est pourtant pas néant. Seuls nos efforts nous permettent d’y accéder. Le salut vient de l’homme et pas d’un autre.

Depuis 20 siècles, un enseignement assoupli s’est répandu dans le monde. Il insiste sur la compassion : un « libéré » sera réincarné pour aider au salut de ceux qui restent dans l’ignorance. Il peut attribuer ses mérites à ceux qui cheminent vers la délivrance. Il est comme la manifestation d’un absolu qui n’est pas un être suprême mais « l’éveil » lui-même, but de tous les êtres. Ceci explique la dévotion à un bouddha.

En se répandant dans d’autres cultures, le bouddhisme a assimilé des traditions et des rites de cultes locaux si bien qu’il existe aujourd’hui une multitude de courant divers dans le bouddhisme.

Depuis une province de l’Inde, le bouddhisme a rayonné sur l’Asie : En Sri Lanka, en Birmanie, en Thaïlande, au Tibet, au Népal, en Chine et au Japon. C’est au Japon que les études bouddhistes sont les plus florissantes, les temples les plus impressionnants, les écoles les plus expansionnistes. C’est le cas de l’école du Zen qui a rayonné partout. Le Zen prône des méditations longues, méthodiques et rigoureuses qui expulsent toute pensée pour en arriver à un vide qui est repos et lumière ineffable.       (À suivre)

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 3 avril 2018

THOMAS L’INCRÉDULE

Lorsque le Ressuscité apparut aux disciples le jour de Pâques, Thomas était absent.  Quand les autres lui parlèrent de cette visite, il se montra méfiant à l’extrême : Il refuserait de croire tant qu’il n’aurait pas touché les plaies du crucifié. Huit jours plus tard, le Christ apparut de nouveau et proposa à Thomas de s’assurer qu’il ne rêvait pas. Surpris, Thomas répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Jésus conclut : « Parce que tu m’as vu, tu crois : heureux ceux qui croient sans avoir vu ». La rencontre se termine donc par une béatitude qui nous concerne puisque, n’ayant pas eu l’avantage de « voir » le Ressuscité, notre foi repose sur le témoignage de ceux qui ont vu, notamment les Apôtres qui furent les témoins de la résurrection du Christ.

Nous fêtons St. Thomas le 3 juillet. A cette occasion, l’office nous fait lire un passage d’une homélie de St. Grégoire le grand sur ce texte d’évangile : « L’incrédulité de Thomas a été plus avantageuse pour notre foi que la foi des disciples qui ont cru ». Cette affirmation est étonnante, car il est bien dit que les autres n’ont pas cru non plus tant qu’ils n’avaient pas vu. Relisons le récit de St. Luc sur l’apparition aux disciples d’Emmaüs. Jésus se joint à eux incognito et fait l’ignorant. Les disciples venant de Jérusalem racontent ce qui y est arrivé à Jésus : « Puissant en parole et en action, il a été livré, condamné et crucifié. Voici le troisième jour que cela s’est passé. Des femmes de notre groupe nous ont bouleversés. Elles ont trouvé le tombeau vide et des anges leur ont dit qu’il est vivant. Certains des nôtres sont allés au tombeau qui était vide, mais lui, ils ne l’ont pas vu ». Ils ne croiront eux aussi, que lorsqu’ils auront vu.

Dans son homélie, St. Grégoire insiste sur un détail : « Ce disciple qui doutait a touché les blessures que son Maître portait dans la chair. En touchant, il est ramené à la foi. En doutant et en touchant, il est devenu témoin de la réalité de la résurrection ». Le saint pape pense que Thomas a « touché » les plaies du Christ. Il est vrai qu’avant l’apparition, il exigeait de pouvoir toucher les plaies. Mais au moment où il se trouve devant le Ressuscité, il est tellement surpris qu’il se contente d’affirmer sa foi en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Il n’est pas dit que Thomas a touché. D’ailleurs, Jésus conclut en disant qu’il a cru après avoir vu. Et la béatitude parle de ceux qui croient sans « voir ».

Les peintres qui ont représenté St. Thomas le montrent face au Ressuscité dont il touche la plaie du côté. Ils ont suivi la lecture du récit qu’en a faite le grand pape du 6e s.

L’évangile de Jean parle 7 fois de Thomas qui ne manquait pas de générosité. Quand les disciples, par crainte des juifs, hésitèrent à suivre Jésus à Béthanie, près de Jérusalem, où Lazare venait de mourir, Thomas les a encouragés : « Allons-y et mourons avec lui.  »

L’activité apostolique de Thomas est connue grâce aux « Actes de Thomas » dont l’essentiel remonterait au 3e s. Ce texte est le plus ancien témoin qui fait de l’Inde le champ missionnaire de l’Apôtre. Emprisonné à 2 reprises, il a été mis à mort à coups de lance.

Selon les chrétiens du Malabar (Etat de Kerala) Thomas serait arrivé en Inde dans l’îlot de Maliankara en 52. On vénère toujours à Mylapore (au Sud de Madras) le tombeau où le corps du saint aurait reposé avant sa translation à Edesse, l’actuelle Urfa au Sud-Est de la Turquie. Des fouilles ont permis de dater la construction de ce tombeau du 1er s. accordant à la tradition un crédit inattendu.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 27 mars 2018

 


VARIANTES SUR LA MORT DE JUDAS

Dans le récit de la passion selon St. Matthieu, Judas, apprenant que Jésus était condamné, fut pris de remords, rapporta les 30 pièces aux grands prêtres et alla se pendre. Ce suicide n’a pas permis au remords de devenir « repentir ».

D’autre part, St. Luc, auteur des « Actes des Apôtres », rapporte le discours de Pierre au cénacle après l’Ascension: il fallait remplacer Judas qui « avec l’argent avait acheté une terre, est tombé en avant, s’est ouvert par le milieu et toutes ses entrailles se sont répandues ». Cette description détaillée est une manière classique de présenter la mort des impies: il s’agit d’un châtiment qui suggère la damnation.  Comment Judas en est-il arrivé à trahir son Maître? En fait, tous les disciples ont été déconcertés à l’approche de la passion. Jésus pourtant leur avait clairement annoncé sa passion. Ils s’obstinaient à attendre qu’il inaugure triomphalement un royaume terrestre. Judas, plus que les autres, semble avoir attendu que Jésus se révèle « Messie victorieux ». En le livrant, il aurait voulu l’amener à se défendre en faisant usage de sa puissance pour s’imposer. Il aurait pris sa décision à Béthanie où une femme versa sur la tête de Jésus un parfum très précieux. Devant l’indignation de certains, Jésus déclara: « Elle a d’avance parfumé mon corps pour l’ensevelissement ». C’était une allusion à sa mort prochaine de condamné privé de sépulture. L’acceptation par Jésus de cette mort a provoqué la réaction de Judas: il est allé trouver les grands prêtres pour leur livrer Jésus. Il fut convenu qu’il servirait de guide à la troupe des gardes pour arrêter Jésus. Son baiser permit aux gardes de reconnaître Jésus dans la nuit au milieu du groupe des disciples.

Les évangiles nous parlent de la réaction de Jésus à cette trahison qu’il a lui-même annoncée à la cène: « L’un de vous va me livrer, l’un des 12 qui mange avec moi ». Il en est profondément troublé et déçu. Il ressent en même temps avec douleur la perdition du coupable: « Malheureux l’homme par qui le Fils de l’Homme est livré. Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né ». Mais cette trahison ne fera pas échouer le projet dé Dieu.  Par son intervention,  Judas joue même son rôle. Jésus lui dit: « Ce que tu as à faire, fais-le vite ».  Il n’en juge pas le traître moins coupable: « Vous n’êtes pas tous purs ».

Les évangiles parlent aussi des réactions des autres disciples. Lors de l’arrestation de Jésus, leur première réaction fut violente: Pierre dégaina son épée et frappa. Jésus leur dit de s’abstenir.

Par la suite, les auteurs du Nouveau Testament ont cherché à comprendre. La première explication leur fut suggérée par Jésus lui-même: « Aucun ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, de sorte que l’Ecriture s’accomplisse « . Ils soulignent le fait que la passion accomplissait les annonces bibliques. Ce que dira aussi Pierre à l’assemblée qui doit trouver un remplaçant de Judas: « Il fallait que s’accomplisse l’Ecriture à propos de Judas ».

Le Nouveau Testament parle aussi de possession diabolique au sujet du traître.

En introduisant le récit de la cène,  St. Jean écrit: « Déjà le diable avait jeté au cœur de Judas la pensée de le livrer ».  L’avarice pouvait aussi avoir influencé Judas. Jean souligne la chose dans son récit du repas à Béthanie où Marie verse sur les pieds de Jésus un parfum de grand prix. Judas se scandalise de ce gaspillage. Jean ajoute: « Il parla ainsi, non qu’il eut le souci des pauvres mais parce qu’il était voleur et que, chargé de la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait ».

Pour conclure, disons que le drame de Judas a été de ne pas être revenu à celui qui jusqu’au dernier moment, l’appelait: « Mon ami ».

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 17 mars 2018

 


PARDONNER PEUT NOUS GUÉRIR

Les sentences prononcées par la justice remplacent l’escalade des représailles.  Suppriment-elles les rancœurs? La réflexion contribue à dédramatiser. La pardon donné au coupable par les victimes peut apaiser, voire guérir, les cœurs blessés.  Mais il n’est pas facile de pardonner.

Pardonner c’est annuler la dette morale contractée par l’offenseur. C’est lui faire un cadeau, un « don-parfait », un « par-don ». Le pardon ne se justifie pas au plan juridique et humain qui exigent le règlement des dettes morales pour respecter le droit et la justice. L’idée du pardon trouve son origine dans la foi en Dieu,  bon et miséricordieux qui pardonne et fait du pécheur une créature nouvelle. Dans la Bible, la loi du pardon entre humains ne s’est imposée que progressivement.

La loi du talion était un progrès: elle exigeait une punition identique au tort causé: œil pour œil, dent pour dent. Elle supprimait la gradation des représailles. La Bible interdit la haine. Elle demande d’aimer l’autre comme soi-même. Bénéficiant du pardon de Dieu, il convient que l’homme pardonne aux autres.

Le Christ fut le témoin de l’amour de Dieu qui se fait une joie de pardonner. Il a réconcilié avec le Père ceux qui, jusque-là, ne le reconnaissaient pas, ne l’aimaient pas, ne le servaient pas. Il a confié à l’Eglise ce pouvoir de pardonner: elle poursuit son œuvre de réconciliation. Le pardon donné est devenu une particularité du comportement chrétien. Jésus a même demandé d’aimer ses ennemis: c’est inouï.  Pardonner est difficile. On n’y arrive pas toujours ni tout de suite. Celui qui a le désir de pardonner est sur la bonne voie.

Le pardon ne conduit à une réconciliation que si l’offenseur demande le pardon,  exprime son regret sincère et la volonté de réparer. St. Paul écrit: « Pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tout le monde ».

Celui qui bénéficie du pardon réparera le tort causé: celui qui a pardonné n’est pas sensé accepter le dommage subi. Il s’agit de rétablir la situation. On sait qu’il y a des dommages réparables et d’autres qui sont irréparables : un voleur peut rendre une somme équivalente; un assassin ne peut rendre la vie à sa victime. L’auteur d’un dommage irréparable veillera à faire du bien autour de lui.

Certains estiment hypocrite le recours au sacrement du pardon alors qu’on sait qu’on va récidiver. Evitons la caricature. Chacun a ses fragilités et ses défauts. Un pénitent sincère peut retomber dans le même péché: il prendra conscience, avec humilité, de sa grande faiblesse en même temps que de la grande bonté de Dieu.  Certains disent: « Je pardonne, mais je n’oublie pas ». On ne nous demande pas de perdre volontairement la mémoire, mais de renoncer à la rancune et à la haine. Pour ce faire, prenons du recul et cherchons des excuses.

Il n’est pas sûr que celui qui avoue une faute, regrette aussi de l’avoir commise.  Un voleur peut continuer à se réjouir d’avoir emporté le butin; un assassin à être satisfait de s’être vengé; un débauché content d’avoir pris du plaisir.

Un prêtre fut appelé auprès d’un marin en fin de vie pour entendre sa confession.

Le marin parla de ses visites chez les prostituées dont il était un bon client. Il savait que ce n’était pas bien, mais il ne parvenait pas à le regretter: ces femmes étaient les seules à lui avoir donné de l’affection. Pour l’aider à adopter les dispositions requises pour recevoir le pardon, le prêtre lui conseilla « de regretter de ne pouvoir regretter ».

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 10 mars 2018

 


SUR SAINT JOSEPH

L’imagerie religieuse représente St. Joseph comme un homme âgé. En fait, on ne sait rien de son âge. Il intervient dans les récits évangéliques qui parlent de l’enfance de Jésus. On ne parle plus de lui dans les textes qui concernent la vie publique du Christ. On en déduit qu’il est mort à Nazareth pendant la vie cachée du Christ. On ignore s’il est mort de maladie, de vieillesse ou par accident. Mais s’il est mort à Nazareth, il aura été entouré de Marie et de Jésus au moment de quitter ce monde. Quel bel accompagnement pour ses dernières heures. Il en est devenu le patron de la bonne mort.

Lors de mon premier pèlerinage en Terre Sainte, en septembre 1971, j’ai visité un site de fouilles à Nazareth. Les archéologues avaient ouvert ce chantier dans la propriété d’une personne âgée qui affirmait habiter sur « le tombeau du juste ».  Des religieuses, désireuses d’établir une communauté à Nazareth, avaient souhaité acquérir cette propriété. La dame refusant de quitter les lieux sacrés à ses yeux, accepta d’être prise en charge par les religieuses avec qui elle pourrait continuer à vivre en ce lieu. Les archéologues ont dès lors pu entreprendre des recherches. A 9 m. de profondeur, ils découvrirent un sépulcre de l’époque du Christ : bien conservé, creusé dans le roc, fermé par une grande pierre circulaire. Peut-être la dépouille de Joseph y a-t-elle été déposée. De quel autre juste aurait-on pu vénérer la tombe à Nazareth ?

A Istanbul, en Turquie, dans l’église de l’ancien monastère chrétien du Saint Sauveur -in-Chora, devenue musée sous le nom de Kariye Cami, on peut admirer des mosaïques byzantines du 14e s. qui comptent parmi les plus belles. Elles représentent des dizaines d’épisodes de la vie du Christ et de la Vierge Marie. L’une d’elles, intitulée « le recensement de Quirinius », représente St. Joseph accompagné de 7 jeunes gens que l’on dit être ses fils. Des commentateurs expliquent que Joseph aurait eu ces fils par un premier mariage et qu’il serait ensuite tombé veuf. Ce sont ces fils qui seraient désignés par les évangiles quand ils parlent des frères de Jésus. Joseph aurait épousé Marie en secondes noces.

Comme père officiel de Jésus, Joseph fit entrer Jésus dans la descendance de David.  Il fut le protecteur de la Sainte Famille qui était la cellule dont naîtra l’Eglise.  En 1847 le pape Pie IX l’a nommé patron de l’Eglise universelle. Il a été en outre nommé patron de l’Eglise de Belgique. Le pape Pie XII a fait de lui le patron des pères de famille et le patron des ouvriers. En 1955, il a institué la fête de St.  Joseph ouvrier le 1er mai.  Nous fêtons St. Joseph le 19 mars.

L’église St. Antoine à Leuven (Pater Damiaanplein) est le sanctuaire belge en l’honneur de St. Joseph. C’est l’église des pères de « Picpus ». C’est le nom populaire des religieux de la congrégation des Saints Cœurs de Jésus et de Marie. Le père Damien, l’apôtre des lépreux, était membre de cette congrégation. Son tombeau se trouve dans une annexe de l’église St. Antoine.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 3 mars 2018

 


QUAND L’EUROPE S’IMPOSAIT

Les Belges francophones font partie de la « Communauté culturelle de langue française ». Cette communauté est « belge » et non « française ». Dans l’Est du pays il y a une communauté « germanophone ».  Elle est « belge » et non « allemande ».

Les francophones font aussi partie d’une communauté plus large: la francophonie.  Celle-ci comprend la France et ses territoires d’Outre-mer, le Québec, la Suisse romande, Haïti, Madagascar et une quinzaine de pays africains.

L’anglais est une autre langue internationale. On le parle en Grande-Bretagne, au Canada, aux U. S. A., en Guyana, en Australie, en Nouvelle-Guinée, en Nouvelle-Zélande et dans une dizaine de pays d’Afrique.

D’autres langues européennes sont devenues internationales: l’espagnol en usage en Espagne, en Amérique centrale et en Amérique du sud (sauf le Brésil); et le portugais parlé au Portugal, au Brésil, en Angola et au Mozambique.

Les historiens tirent cette conclusion: « Les 6 langues internationales sont les langues des anciennes grandes puissances coloniales: l’anglais, l’arabe, l’espagnol, le russe, le portugais et le français ».  Notons que la langue parlée par le plus grand nombre de gens est le chinois mandarin.

Limitons-nous aux langues des pays d’Europe occidentale. Leur usage dans d’autres continents est l’héritage de la présence des européens dans ces contrées à l’époque coloniale qui a commencé au 16e s. par des explorations géographiques et des expéditions militaires et qui s’est prolongée aux 19e et 20e s.

Les Espagnols prirent l’initiative, suivis par les Portugais, les Anglais, les Français et les Hollandais. Des missionnaires faisaient partie de ces expéditions : on voulait convertir les païens et faire concurrence à l’Islam qui avait menacé l’Europe en assiégeant une seconde fois Vienne, la capitale autrichienne, en 1529. Dans ce contexte peu favorable,  l’activité missionnaire ne rencontra qu’un succès limité.  Dès les grandes découvertes du Nouveau Monde, des colonies de peuplement avaient prospéré en Amérique. Au 19e s. l’essor colonial s’est tourné vers l’Afrique et l’Asie. A la fin du siècle,  les Etats non-européens encore indépendants étaient peu nombreux. Le monde était soumis à « l’Homme Blanc » par la force de ses armées et l’usage de ses techniques. Les historiens affirment: « Il opprimait les peuples de couleur, les exploitait pour en tirer sa main-d’œuvre et réprimait férocement toute résistance et rébellion ». Cet impérialisme ne pouvait durer.

Mais cette domination eut des effets positifs pour les peuples colonisés: la paix imposée mit fin aux conflits entre ethnies; une administration rationnelle remplaça l’arbitraire et les désordres fréquents; on intensifia la lutte contre l’esclavage. Nous parlions de l’héritage culturel qu’est la langue des colonisateurs. Bien des peuples les ont adoptées comme langues nationales. Elles devinrent des outils d’unité nationale qui l’emportèrent sur les nombreux dialectes régionaux. Il se produisit chez eux ce qui s’est passé chez nous : le français l’a emporté sur les dialectes locaux.

Les missionnaires annonçaient l’Evangile aux païens. Les colonisateurs comptaient sur eux pour prêcher la soumission. L’Eglise ne pouvait agir que sous la protection des puissances colonisatrices. Ce contexte était peu intéressant. Malgré cela,  dans certaines anciennes colonies il y a aujourd’hui des Eglises chrétiennes importantes. Par exemple, le grand nombre de catholiques se trouve en Amérique Latine.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 27 février 2018

COHABITATION DIFFICILE

Quand le champ revêtit sa parure printanière grâce au blé qui poussait, les serviteurs dont parle la parabole du blé et de l’ivraie dans l’Evangile selon St.  Matthieu au chapitre 13, s’aperçurent que l’ivraie se pointait en même temps. Ils s’inquiétèrent et en parlèrent à leur maître en l’interrogeant: « N’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ? D’où vient qu’il y a de l’ivraie? » Leur question cache mal leur pensée: ils soupçonnent le maître lui-même d’avoir mêlé l’ivraie au blé. Le maître garde son calme et devine l’origine du problème: « C’est un ennemi qui a fait cela ».

Ce début de parabole contient déjà une leçon. Le champ est l’image de notre monde où le bien et le mal sont mêlés. Beaucoup réagissent comme les serviteurs de la parabole. Non seulement ils soupçonnent le créateur mais l’accusent d’être coupable du mal qui est dans le monde. La réponse du maître convient ici aussi: « C’est un ennemi qui a fait cela ».

Les serviteurs sont pressés de débarrasser le champ de cette ivraie maudite: « Veux-tu que nous allions l’enlever? » Ils sont pressés comme nous le serions: nous supportons mal les choses qui viennent gâcher notre travail et nous brûlons d’impatience tant que l’élément perturbateur n’est pas éliminé. Mais le maître répondit: « En enlevant l’ivraie vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez les pousser ensemble jusqu’à la moisson ». Un jeune plant est en effet fragile. Il convient de lui laisser le temps de s’affirmer et de gagner en fermeté en se confrontant à l’ivraie qui le menace. « Au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs: enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler; quant au blé,  ramenez-le pour le rentrer dans mon grenier ». La moisson est l’image du jugement:  alors se fera le tri selon la nature de la plante. Le temps de la croissance est pour les serviteurs le temps où la patience est mise à l’épreuve.

Le champ étant l’image du monde, nous sommes appelés à être patients face au mal qui persiste malgré les efforts de la société pour empêcher les méchants de nuire. Elle ne saurait empêcher toute action malfaisante. Elle ne peut intervenir que quand le mal a été fait. La cohabitation du bien et du mal restera difficile. La présence du mal stimulera à agir plus fermement en faveur du bien. On a écrit que dans un pays de gens honnêtes il y a moins de saints que dans un pays où il y a des voyous. Sur le fumier poussent de belles fleurs. Le camp de la mort d’Auschwitz a été le terreau où s’est épanouie la sainteté de Maximilien Kolbe.  La moisson, image du jugement, révèlera ce que chacun de nous sera devenu. Les moissonneurs trieront en constatant la nature des fruits de chaque plante.

La parabole s’applique à tous les humains, notamment ceux avec qui nous vivons. En eux aussi il y a du mal: leurs défauts, les erreurs ou les fautes qu’ils commettent. Ils ont besoin de notre patience et de notre pardon. Le mal est aussi présent en nous et nous sommes heureux de pouvoir compter sur la patience et le pardon des autres.

Enfin, soyons patients avec nous-mêmes: nous ne sommes pas parfaits et cela ne doit pas nous conduire au désespoir. St. Paul lui-même souffrait d’une faiblesse qui l’accablait. Il parle d’une « écharde qu’il portait dans sa chair ». « Un ange de satan est chargé de me frapper pour m’éviter tout orgueil. Par trois fois j’ai demandé au Seigneur de l’écarter de moi. Il a répondu: ‘Ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse’ « .

Concluons par la prière d’un homme toujours pressé qui ne manque pas d’humour: « Seigneur, donne-moi la patience, mais, je t’en prie, dépêche-toi ».

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 20 février 2018

SATURATION

Une Française expliquait pourquoi elle a renoncé à toute pratique religieuse.  Dans son enfance, elle fut en internat chez des religieuses en Normandie. Elle se souvenait de toutes les pratiques qui y étaient de règle: prières du matin et de soir, avant et après les repas, avant et après la classe, messe quotidienne.  Elle en fut saturée et estima en avoir fait assez pour toute sa vie.

Dans les premières décennies de mon ministère, j’ai souvent entendu le même discours de la part de gens qui avaient fréquenté les institutions catholiques.  Les écoles catholiques que j’ai moi-même fréquentées n’ont pas fait peser des contraintes qui auraient pu me dégoûter de la religion. C’est à l’internat, au séminaire que j’ai le plus ressenti la raideur du cadre dans lequel nous vivions: il fallait une autorisation pour la moindre course en ville; le soir,  il fallait être au lit à 22h. Pour nous aider à respecter l’heure du coucher, on nous coupait tout simplement le courant. (Nous avions alors 20 ans et plus).

Un de nos professeurs que j’estimais beaucoup cherchait à nous convaincre du bien-fondé du règlement: il était conçu pour nous donner des habitudes qui nous faciliteraient la fidélité après le temps de formation. Mais l’internat était un cadre artificiel. Après le séminaire, les bonnes habitudes se sont perdues.

Il serait étonnant que des adultes d’aujourd’hui aient à se plaindre de l’abondance du religieux qui leur aurait été servi dans les institutions. C’est surtout en famille et en paroisse que la religion leur a été proposée. L’argument de la saturation n’est plus valable. Cependant, chez la plupart des jeunes, l’abandon de la pratique religieuse est notoire. Les parents et grands-parents en sont peinés. L’indifférence des jeunes parents et des jeunes adultes est une grande souffrance et un grand souci pour l’Eglise.

La transmission de la foi ne se fait plus comme avant. Dans nos régions, certaines coutumes religieuses restent d’actualité. Il s’agit alors de pratiques accomplies « plus par, coutume que par conviction ».  Cela donne lieu à un grand malentendu étant donné que les sacrements supposent la foi. Les rites ont peu d’effet quand les convictions et l’engagement personnels n’y sont pas. La pratique religieuse et le comportement inspiré par la morale chrétienne sont normalement les conséquences de la foi.

Avec le pape François, veillons à parler de la foi avant de parler de la morale.  Et même quand nous parlons de l’Evangile du Christ, il n’est pas certain que nous soyons compris. Relisons la parabole du semeur dans l’Evangile selon St. Matthieu au chapitre 13 : Le grain tombé au bord du chemin et mangé par les oiseaux est l’image de ceux qui ont entendu la parole du royaume mais ne l’ont pas comprise.

Le même texte compare le royaume à un trésor caché dans un champ. Le laboureur qui l’a découvert le cache à nouveau, dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède pour acheter ce champ. Cette décision est l’effet de la joie de la découverte et du désir de posséder ce trésor. Il vend tout parce qu’il a découvert ce trésor et veut le posséder. Inutile de recommander le détachement à celui qui n’a pas découvert le trésor. Prions pour ceux que nous aimons afin qu’ils découvrent le trésor.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 13 février 2018

CAUSES DE L’ANTISÉMITISME

L’horreur et l’ampleur de l’extermination des juifs par les nazis ont réveillé les consciences : comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les causes de cet antisémitisme monstrueux ?

Les Israélites ont souvent vécu dans des pays où ils rencontraient l’hostilité et la persécution. Dans l’Antiquité, en Egypte, le Pharaon, craignant leur force, les réduisit à la servitude dont Moïse les délivra. Le royaume de David n’a duré que 40 ans. Après le règne de son fils Salomon, le peuple se déchira en 2: le Nord, Israël,  fut envahi après 200 ans par l’Assyrie qui déporta la population; le Sud, Juda, après 350 ans, fut pris par Babylone qui déporta sa population. A leur libération, beaucoup choisirent de ne pas rentrer au pays. Des communautés juives se sont dès lors établies partout. Des pillages et des massacres de juifs eurent lieu à Alexandrie en Egypte et ailleurs dans l’empire romain sous les empereurs Claude et Caligula. Les païens leur reprochaient de ne pas vénérer les dieux protecteurs de la cité où ils vivaient.

L’Eglise chrétienne primitive subit sa première persécution de la part des juifs.  Des textes du Nouveau Testament s’en prennent aux juifs pour avoir exigé la mort du Christ. Des Pères de l’Eglise confirment cet antijudaïsme.

Dans l’Europe chrétienne du Moyen-Age, seuls les juifs ne croyaient pas au Christ.  Leur religion était la cause de leur particularisme: solidaires entre eux, ils se méfiaient des autres qui leur étaient hostiles. Pour protéger les fidèles chrétiens, les juifs « déicides » et « maudits » étaient exclus. Rejetés de l’agriculture, confinés dans le petit commerce et la banque, ils y ont acquis une expérience qui suscitait l’envie. On leur imposait des taxes sévères, leurs droits civiques étaient limités, on leur imposait des tâches humiliantes, on les cantonnait dans des quartiers juifs: les ghettos. On prétendait qu’ils égorgeaient des enfants lors de leurs sacrifices rituels, qu’ils profanaient des hosties consacrées, qu’ils empoisonnaient les fontaines, qu’ils étaient cause de la peste. Ces accusations mensongères attisaient la haine et provoquaient des émeutes: on les brûlait, on les bannit en masse, on les massacrait lors des croisades.

Aux siècles derniers, en bien des régions, ils subirent des vagues de haine et de violences provoquées par des meneurs qui se basaient sur le « Protocole des sages de Sion ». C’était un pamphlet antisémite qui prétendait rapporter la conclusion d’un congrès sioniste qui aurait eu lieu à Bâle en 1897. Ce document était un faux.  Il prétendait décrire la tactique juive pour dominer le monde: se faire une fortune, s’imposer dans les affaires et enfin dans la politique. Ce Protocole fut publié en Russie en 1905. Pour détourner la colère populaire provoquée par sa politique, le gouvernement russe déclencha des émeutes, des pillages et des massacres de juifs, des « pogroms » (en russe po = entièrement; gromit = détruire).  Entre 1884 et 1914, 2 millions de juifs russes et polonais quittèrent l’empire des Tsars.  Hitler a aussi exploité ce « Protocole » pour justifier son projet d’extermination par des raisons racistes. Pour lui, les juifs sont une race inférieure qui cherche à s’imposer à la race aryenne. « L’Holocauste » fut sa solution finale.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 6 février 2018

 


CHANDELEUR EN QUESTION

La CHANDELEUR est un des 3 noms de la fête du 2 février. Elle célèbre ce que l’évangéliste St. Luc appelle la PRÉSENTATION de Jésus au temple. Cette présentation constitue aussi le 4e mystère joyeux du rosaire. Luc ajoute que c’était « le jour où ils devaient être purifiés » (la mère et l’enfant). C’est pourquoi la fête est aussi celle de la PURIFICATION. Le récit parle du vieillard Siméon qui prit l’enfant dans ses bras et prononça une prière qui parle du petit en disant qu’il est la lumière qui se révèle aux nations. La liturgie exploite ce thème de la lumière en prévoyant une procession aux cierges (chandelles) allumés.  Ceci explique que la fête est aussi appelée CHANDELEUR.

Le texte présente une curiosité. Chez les juifs, la jeune mère devait accomplir un rite religieux pour sa purification. Cela ne signifiait pas que la mise au monde d’un enfant était une faute. Mais l’accouchement s’accompagne de perte de sang qui faisait que la mère contractait une impureté rituelle dont elle devait être purifiée. Mais Luc parle du « jour où ils devaient être purifiés ».

Autre chose étonnante: Luc écrit que  » l’enfant est présenté au Seigneur » en laissant entendre que cela aussi « est prescrit par la loi de Moïse ». Or, cette présentation de l’enfant au temple n’est pas requise par la loi. On pense que Luc veut souligner le zèle avec lequel les parents de Jésus s’acquittent de la tâche qui leur est confiée. L’évangéliste cite même le livre biblique de l’Exode qui dit: « Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur ». Cette consécration n’exigeait pas une démarche au temple, mais comportait le rachat de l’enfant. Le premier-né était considéré comme la propriété de Dieu, il fallait le racheter. Luc confond les rites et les mélange. Peut-être veut-il nous faire penser au petit Samuel qui avait été présenté par sa mère Anne pour être servant au temple de Silo. En remplaçant le rachat par une présentation, il semble faire allusion au Livre des Nombres qui raconte l’intronisation des Lévites, fils de Lévi et desservants du temple, par Moïse dans leur fonction dans le culte (8, 549). Le texte dit que Moïse les a « purifiés » et « présentés ». Cette présentation inaugurait le culte Ancien. Luc veut nous présenter Jésus comme un nouveau Lévite qui vient inaugurer un culte nouveau.

En lisant ce texte, nous ne devons pas nous demander si les choses se sont passées ainsi, mais nous devons chercher à comprendre ce que l’auteur a voulu dire.

En milieu chrétien on a connu la coutume des RELEVAILLES: après l’accouchement, la jeune maman rendait grâce pour l’heureux événement.

La tradition des CREPES est d’origine païenne. Les LUPERCALES romaines, fête du dieu-loup, avait lieu le 2 février. Elle faisait allusion à la légende de la louve qui aurait nourri les fondateurs de Rome. On mangeait des galettes de céréales en l’honneur des divinités. C’était un hommage à la terre nourricière où poussent les céréales. La coïncidence de date a lié cette tradition à la fête chrétienne.

Abbé Auguste Reul

 

Paru dans le Visé Magazine du 30 janvier 2018

DISPUTE DE GRANDS

Les Réformateurs protestants se faisaient une idée pessimiste de l’homme : il serait tellement corrompu par le péché originel qu’il ne peut rien faire de bon pour être sauvé.

L’éminent écrivain humaniste chrétien ÉRASME leur a opposé une vision plus optimiste dans son « Essai sur le libre arbitre »: la question est de savoir si l’homme est en mesure d’accueillir ou de refuser en toute liberté la grâce que Dieu lui offre pour accéder au salut.

LUTHER a répondu par son « Traité du serf arbitre ». Il y parle de la liberté enchaînée, esclave (serf) de l’homme. Il ne voit en l’homme qu’une nature radicalement corrompue paralysée par le péché. L’homme est totalement impuissant. Il ne peut atteindre son salut qu’en s’en remettant en toute confiance à Dieu qui seul lui assure le salut qui n’est en rien l’œuvre de l’homme.

Qui est Didier ÉRASME ? Né à Rotterdam en 1469, il a bénéficié d’une bonne formation humaniste: il apprit le latin, le grec et l’hébreu. Il a été moine pendant 4 ans et a été ordonné prêtre malgré lui. Il n’a guère exercé de ministère. Il a poursuivi sa formation à Paris et à Oxford. Il a vécu à travers l’Europe: à Londres, à Venise, à Rome, à Louvain puis à Bâle. Il s’est fait partout des amis parmi les érudits éminents. Il était un passionné d’Humanisme, ce mouvement culturel de redécouverte de l’art et de la littérature antiques: la Renaissance. Il était un humaniste chrétien. Il s’est consacré à l’étude des textes bibliques dans leurs langues originales. Il a analysé le Nouveau Testament et les écrits des Pères de l’Eglise (les écrivains des premiers siècles) selon les méthodes appliquées aux textes profanes. Il a ouvert la voie à l’exégèse moderne. Il a beaucoup écrit et publié. L’Ecriture Sainte tient une grande place dans son œuvre. Il est favorable à un retour, à l’esprit des origines chrétiennes. Pour lui, les armes du chrétien ne sont ni les sacrements ni l’Eglise visible, mais l’Ecriture que le lecteur interprètera librement sans plus se référer ni à la théologie ni à l’Eglise.  Pour lui, le sacerdoce, la liturgie et les préceptes sont utiles pour les moins instruits. Il va jusqu’à dire que, sous prétexte de religion, on abêtit un peuple que la religion doit éduquer et libérer.

Ses aspirations à un renouveau de vie chrétienne basé sur l’Ecriture et à une réforme de l’Eglise le rapprochent des Réformateurs parmi lesquels on le range souvent. En fait, il a annoncé et préparé la Réforme. Comme les Réformateurs, il a ironisé sur l’Eglise romaine. Après son séjour en Italie, il a écrit son « Éloge de la folie », œuvre d’une ironie mordante à l’égard du pape et des cardinaux avec qui il gardait cependant de bonnes relations. Comme les Réformateurs, il souhaitait que l’Ecriture puisse être lue partout en langue vivante. Il souhaitait que la prédication dise simplement et clairement la vérité chrétienne afin qu’elle soit au service de tous.

LUTHER a mené l’affrontement avec Rome jusqu’à la rupture. ÉRASME n’a pas rompu avec Rome. Il trouvait abominable la manière de faire des novateurs mais il détestait également la façon dont l’Eglise s’enfermait avec opiniâtreté dans ses vieilles traditions. Il est resté dans une position ambiguë travaillant vainement à la paix entre la Réforme et l’Eglise romaine.

 » Peu d’hommes ont eu en leur temps, une autorité intellectuelle et morale comparable à la sienne. Il a été en relation avec tous les grands noms de son temps. Il fut l’objet d’interprétations contradictoires.  » (H-M Féret)

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 23 janvier 2018

 


JUIVE, CARMÉLITE ET MARTYRE

Nous la fêtons le 9 août. Elle est la seconde patronne de l’Europe. Elle a été canonisée à Cologne par le pape Jean-Paul II. Il s’agit d’Edith STEIN, devenue sœur Thérèse-Bénédicte de la croix.

Nous la sentons proche de nous quand nous savons qu’elle a vécu les quatre dernières années de sa vie aux Pays-Bas, dans la vallée de la Meuse, à Echt, au Nord de Maastricht, près de la frontière belge, en face de Maaseik. C’est là qu’elle fut arrêtée en août 1942. Les évêques hollandais s’étaient élevés contre le sort fait aux Juifs par les nazis. En représailles, les occupants décidèrent d’arrêter tous les religieux catholiques d’origine juive.

Les supérieures du carmel avaient cru la mettre en sécurité en l’amenant de Cologne à Echt la nuit du 31 décembre 1938. C’est à Cologne qu’elle était entrée au carmel cinq ans plus tôt à l’âge de 42 ans. Elle avait déjà été victime de la politique antisémite du régime nazi : elle fut exclue de l’enseignement parce que juive.

Elle avait fait un long chemin depuis sa naissance en 1891 à Breslau, en Silésie.  Cette région était allemande et est devenue polonaise plus tard. La ville a pris le nom de Wroclaw. Edith était la septième et dernière d’une famille juive fervente et pratiquante. Elle n’avait pas deux ans quand son père est décédé. A 15 ans, elle est agnostique. A 19 ans elle était à l’université de sa ville, puis à Göttingen.

A 25 ans elle obtenait le titre de docteur en philosophie. Au cours de ses études, elle a été marquée par des professeurs et des condisciples catholiques. Elle lut « La vie de Sainte Thérèse d’Avila par elle-même » et fut touchée par la vérité qui se dégage de cette sainte réformatrice du carmel. Elle reçut le baptême à 31 ans.  Sa mère en fut catastrophée. Pendant neuf ans elle enseigna la littérature allemande dans une école normale chez des dominicaines à Spire. Elle y partageait la vie des religieuses. Elle accepta la proposition qui lui fut faite : la chaire de pédagogie à l’université de Münster. C’est l’emploi qu’elle perdit par suite des mesures antisémites prises par les nazis arrivés au pouvoir. Elle était consciente de la menace qui pesait sur les juifs et sur elle. Elle parla à sa mère de sa vocation de carmélite et entra au carmel de Cologne où elle prit le nom de Thérèse-Bénédicte de la croix, faisant allusion à la croix qu’elle allait devoir porter avec le peuple juif.  Quand elle fut arrêtée à Echt, elle fut déportée au camp d’extermination d’Auschwitz. Quand Jean-Paul II la canonisa au titre de martyre catholique, on a discuté sur les motifs de sa mort.

Pour être complet il convient de dire un mot sur sa carrière intellectuelle. Elle fut une étudiante brillante dépassant largement ses condisciples. Ses professeurs lui attribuèrent le titre de docteur en philosophie avec un maximum de félicitations. Elle publia de nombreux articles et livres, même après son entrée au carmel. Ses œuvres complètes sont reprises en dix volumes.

Elle était déjà au carmel quand, par obéissance, elle travailla à une œuvre importante sur « Etre fini et être éternel ».  Terminé en 1936, le livre ne pourra paraître qu’en 1951. Un connaisseur, A. A.  Devaux, en a fait l’éloge en disant que « cet ouvrage est un livre majeur de toute la philosophie du XXe siècle ».

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 16 janvier 2018

 


IDENTITÉ CACHÉE

A son livret qui n’a que 16 chapitres et se lit en deux heures, l’évangéliste St. Marc donne un titre : « Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu ». En parlant d’Évangile, il ne vise pas son livre, mais la prédication de la Bonne Nouvelle par Jésus et ensuite par les Apôtres. Son livret ne parle que du début de l’aventure de l’Évangile dans l’histoire des hommes. L’Évangile n’est pas seulement un message, mais l’action de Dieu qui s’est manifestée dans le Christ et se poursuit dans le monde.

Marc donne à Jésus les titres de « Christ » et « Fils de Dieu » qui expriment la foi chrétienne. Le livret aidera le lecteur à reconnaître cette double identité de Jésus.

La première partie du livret souligne le rayonnement de Jésus : ses miracles suscitent l’enthousiasme des foules frappées de stupeur et d’admiration. Il accepte d’être considéré comme prophète, fils de David ou Seigneur, mais il impose le silence aux bénéficiaires de ses miracles comme aux démons qui le connaissent, pour éviter une publicité qui le ferait prendre pour un libérateur politique. Il garde secret le titre que le Père lui a confirmé lors de son baptême au Jourdain : « Tu es mon Fils bien-aimé ». Il ne le dévoilera que pendant sa passion. Sa puissance contre le mal et le prestige de sa parole sont reconnus par un large public, mais il est épié par des observateurs sourcilleux de la Loi.

A la question de savoir qui il est, diverses réponses sont données. Par la bouche de Pierre, les disciples reconnaissent en lui le Christ, le Messie. Cette proclamation de foi figure au chapitre 8 : c’est l’événement central qui fait charnière entre les deux parties du livret. Jésus leur ordonne de se taire à son sujet et leur annonce à trois reprises la passion, la mort et la résurrection du Fils de l’Homme (titre repris au livre de Daniel qui signifie qu’il est venu du ciel avec le pouvoir divin sur les nations). Désormais, il se consacre à la formation des disciples et vit dans la perspective de sa mort. Les trois témoins de la transfiguration (chapitre 9) seront aussi les témoins de son agonie. Le dénouement se joue à Jérusalem : le secret est dévoilé devant le sanhédrin qui le condamne à mort pour sa réponse. Le Grand Prêtre lui avait demandé : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? »Jésus répondit : « Je le suis ».

La réponse finale à la question vient de la bouche du centurion qui se tenait au calvaire. Pour Marc, il s’exprime au nom des païens devenus croyants. « Le centurion qui se tenait là, voyant que Jésus avait expiré, dit: ‘Vraiment, cet homme était Fils de Dieu.  »

« Qui donc est cet homme?  » est la question qui revient tout au long du livret. Les faits, les enseignements et les témoignages rapportés aident le lecteur à donner sa réponse. Marc apporte la réponse des premiers croyants qui furent aussi les premiers témoins. Cependant, il ne suffit pas de répéter cette réponse: il faut encore s’engager sans compromis à la suite de Jésus, toujours à l’œuvre au milieu des hommes.

Abbé Auguste Reul

Paru dans le Visé Magazine du 9 janvier 2018