Homélie du 4e dimanche de Pâques à Blegny : Mgr Delville

Homélie 4e dimanche de Pâques
Blegny, 26 avril 2015
Du Bon Pasteur aux bons pasteurs
(Jean-Pierre Delville, évêque de Liège)

 

Chers Frères et Sœurs,

 

C’est une chance pour nous, qui sommes rassemblés ici au dernier jour de ma visite pastorale dans le doyenné de Basse-Meuse, de recevoir cet évangile du Bon Pasteur (Jean 10, 11-18). Jésus nous dit : « Je suis le bon pasteur ». Et au fond l’évangéliste Jean en écrivant ce texte, témoigne de la foi des chrétiens, qui disent à Jésus : « Tu es le bon pasteur ». Oui, notre monde a besoin de pasteurs de personnes responsables qui prennent soin des autres. L’absence de pasteur, l’absence de gouvernement, laisse les gens dans la misère, elle les livre à l’arbitraire des chefs de guerre, elle ouvre la porte à tous les actes de brigandage. C’est ce que nous constatons malheureusement dans différents pays du globe. Ils sont livrés aux mercenaires dont parle Jésus dans cette parabole du bon pasteur.

Si cela est vrai au niveau de la société, qu’en est-il au niveau spirituel ? A-t-on besoin de gouvernance, de pasteur ? Ne peut-on pas faire sa spiritualité tout seul, en se basant sur l’inspiration personnelle, l’inspiration du moment ? Voilà la question qui nous est posée à l’écoute de cet évangile du bon pasteur. La réponse, je la tire d’abord de l’expérience : oui on a besoin de pasteurs, on a besoin les uns des autres, on a besoin d’être guidés et éclairés dans la vie, on a besoin d’être écoutés, d’être connus personnellement. « Je suis le bon pasteur, dit Jésus ; je connais mes brebis ». Nous ne sommes pas auto-suffisants, nous avons besoin d’être connus, d’être conseillés, d’être « briefés ». Mais pas par n’importe qui, me direz-vous ! En effet ! C’est pourquoi Jésus insiste sur la qualité du pasteur. « Le vrai pasteur donne sa vie pour ses brebis ». Ce n’est pas comme le mercenaire, qui ne se préoccupe pas de ses brebis, qui s’en fout de ses brebis et qui s’enfuit quand on les attaque. On a besoin de personnes qui sachent se donner, se donner aux autres ; ce n’est pas de l’héroïsme : c’est vital ! Si nous ne sommes pas portés par des gens qui nous aiment, qui se donnent à nous, nous dépérissons, nous nous désespérons. Oui nous pouvons le connaître, il n’est pas caché ou inaccessible ; nous pouvons le reconnaître, à travers ses témoins, à travers les signes transmis en héritage, comme l’eucharistie que nous célébrons ici. Car nous aussi nous avons besoin d’un bon pasteur dans notre vie, qui nous inspire et qui inspire ceux que nous rencontrons.

Mais il y a plus ! Jésus ajoute : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas dans cette bergerie ». De qui s’agit-il ? Fondamentalement, il s’agit de ceux que nous ne connaissons pas, de ceux qui sont loin, de ceux qui souffrent en silence, de ceux qui sont malades, de ceux qui sont victimes des guerres et des injustices. Jésus ouvre le champ de vision : il ne se contente pas de rassembler un troupeau dans la quiétude de la protection et du bercail confortable. Il s’inquiète pour ceux qui sont loin. Par le fait même, le Christ nous lance un double défi : connaître ceux qui sont loin et leur faire connaître le bon pasteur. Il nous invite à être à notre tour des bons pasteurs. C’est pourquoi ce dimanche est consacré aux vocations dans l’Église. On a besoin de pasteurs à tous niveaux : de pasteurs prêtres, mais aussi de pasteurs catéchistes, et de pasteurs dans les familles. Personnellement j’ai pu constater comment beaucoup d’entre vous prennent au sérieux cette vocation de pasteurs : dans les équipes de visiteurs de malades, de préparation des funérailles, de catéchèse, dans les conseils de fabrique, dans la pastorale des défavorisés comme S.-Vincent de Paul, dans l’accueil des immigrés, dans les écoles, dans les équipes ou les conseils d’Unité pastorale, etc…

Beaucoup en effet dans ce monde sont loin, sont ignorés ou abandonnés : Jésus voudrait que chacun se sente connu de lui, ne se sente pas seul ou abandonné. Comment sera-ce possible si nous-même ne sentons pas en nous cet appel à relayer le bon pasteur, à être de bons pasteurs pour nos frères et sœurs ? Être à notre tour de bons pasteurs n’est pas une prétention orgueilleuse : c’est une mission qui découle de celle du Bon Pasteur par excellence. Il veut que nous relayions, que nous soyons ses témoins. Comme l’a fait l’apôtre Pierre en guérissant un infirme à la porte du Temple de Jérusalem, ainsi que nous le rappelait la première lecture (Actes 4, 8-12).

 

Dans cette ligne, soulignons aussi le rôle des pasteurs de nos Églises, prêtres, religieux et religieuses. Ils ont reçu une mission spécifique, en réponse à un appel personnel. Pensons spécialement à eux en cette journée, qui est consacrée aux vocations sacerdotales et religieuses. Et à notre tour soyons missionnaires appelant, interpellant, témoins de notre société.

 

 

Ainsi tous, dans la diversité des vocations, nous concourrons à créer l’unité de l’humanité, c’est-à-dire le rassemblement des gens de toutes races et de toutes langues en une seule famille d’amour : « Il y aura un seul troupeau et un seul Pasteur », dit Jésus. C’est l’horizon de notre vie, de la vie de tout être humain : ne le perdons pas de vue ; ne soyons pas des mercenaires indifférents, ne soyons pas des loups violents, soyons de bons pasteurs, à l’image du Christ, qui aime chacune de ses brebis et qui veut qu’aucune ne se perde !