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SAINT GEORGES ET SA LÉGENDE
C’est le titre de la conférence qui devait avoir lieu le 23 septembre 2015 à Visé mais qui a été annulée. Les Arbalétriers sont peut-être intéressés de savoir ce que l’on dit de leur saint patron.
Saint Georges jouit d’une grande célébrité mais comme information à son sujet nous n’avons que des légendes. Les Orientaux l’appellent « le grand martyr » et croient savoir qu’il a souffert à Lydda (Lod) en Palestine à la fin du 3e siècle. C’est là qu’on vénère son tombeau depuis le 6e siècle.
Selon un roman, il aurait été un noble et riche Cappadoce (actuelle Turquie) tribun dans l’armée impériale. On le représente en cavalier terrassant de sa lance un dragon. C’est l’illustration du conte très populaire de Jacques Voragine dans la « légende dorée », que G. Marsot résume ainsi : « Près de Silène, ville de Lybie, habitait dans un vaste étang un dragon effroyable, auquel les habitants offraient chaque jour deux brebis ; les brebis ne suffisaient plus, il fallut livrer une créature humaine. Le jour où Georges parut dans la ville, le sort avait désigné pour victime la fille unique du roi. Pour la délivrer, Georges, monté sur son cheval, blessa le monstre de sa lance : il ordonna ensuite à la jeune fille d’entourer le cou du dragon avec sa ceinture et de l’emmener à la ville : là, il fit promettre aux habitants qu’ils se feraient baptiser et il tua le monstre. Alors le roi et son peuple témoins du prodige reçurent le baptême. »
Les récits des miracles de Georges sont nombreux. Il aurait péri lors de la persécution de Dioclétien. Son supplice aurait duré sept ans : il serait revenu trois fois à la vie avant de mourir définitivement.
Ces récits légendaires ne nous permettent cependant pas d’affirmer que le saint n’a pas existé. L’histoire nous a laissé de très anciennes et très nombreuses traces de son culte. Dès le début du 4e s. Constantin lui a élevé une église à Constantinople. On en fait autant en Syrie. Au siècle suivant, on n’en compte pas moins de 40 en Egypte. Puis, c’est Ravenne, Rome, la Germanie et la Gaule mérovingienne qui lui érigent des sanctuaires : partout des villes et des villages se mirent sous son patronage. En Angleterre il devint si populaire qu’un 1222 un concile national rendit sa fête obligatoire. Elle devint aussi solennelle que Noël.
Les croisades rendirent le culte à St. Georges très populaire, surtout dans les armées de France et d’Angleterre. C’est peut-être dû au fait que les armées stationnèrent à Lydda en 1191 avant de marcher contre Jérusalem. Dès lors, en Angleterre, la vénération pour le saint qui conduisit les armées à la victoire ne fit que grandir. Il est fêté le 23 avril.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 6 octobre 2015
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ALLERGIQUES À LA LOI
Aux jeunes qui se préparaient à la confirmation, je proposais un texte biblique tiré du livre du prophète Ezéchiel. Il parle de l’Esprit-Saint qui sera répandu dans le cœur des croyants et des effets qu’il y produit. Je demandais à chacun de choisir l’effet qui le touchait particulièrement et d’expliquer comment il le comprenait. Les uns soulignaient « l’esprit nouveau » suscité par l’Esprit ; d’autres retenaient la « purification » opérée ; d’autres étaient sensibles au changement des « cœurs de pierre en cœurs de chair » ; on soulignait que l’Esprit nous aide à prendre conscience de notre appartenance au « peuple de Dieu ». Chaque année je faisais le même constat : un effet annoncé par le prophète n’était retenu par personne : « l’obéissance à la loi et aux commandements de Dieu ». Les jeunes me semblaient allergiques à la loi.
D’ailleurs, l’argument d’autorité n’a plus guère cours et les discours moralisateurs indisposent. On a, en effet, inculqué autrefois une « morale du devoir » : devoir de citoyen, devoir d’état, devoir de chrétien. Je constate que ce langage se retrouve dans les textes du dernier concile qui a eu lieu il y a un demi-siècle. J’y relève ce passage qui me paraît un comble. La même courte phrase parle deux fois de « devoir » : « Les chrétiens DOIVENT prendre conscience de leur DEVOIR ».
Nous tenons jalousement à notre liberté. Nous n’agissons plus sous la contrainte, mais par conviction et volontairement. Nous adoptons volontiers la devise de St. François de Sales : « Tout faire par amour, rien par force ». La motivation qui donne à nos actes toute leur valeur, c’est l’amour. Quand nous comprenons que la loi de Dieu et de l’Eglise est une loi d’amour, nous sommes rassurés.
Les lois souffrent souvent d’un préjugé négatif. Il y a intérêt à connaître et à comprendre les motifs qui les justifient. Une loi peut même devenir un instrument de libération. C’est la leçon que nous tirons de l’expérience vécue par les Belges en 1830. Nous en apprécions encore aujourd’hui l’audace et les heureux effets. Les révolutionnaires belges ont rejeté l’autorité arbitraire du roi des Pays-Bas pour se donner une constitution et des lois qui garantissent la liberté et les droits de citoyens. Ils se sont donnés un roi qui accepte de respecter cette constitution et ces lois. Notre hymne national chante la « devise immortelle » du pays et acclame simultanément « le Roi, la loi et la liberté ». Nos lois ont de quoi gagner notre sympathie. Quand il s’agit de la loi chrétienne de l’amour, nous pouvons nous y rallier sans crainte : elle nous libère de notre égoïsme.
Abbé Auguste REUL
Paru dans le Visé Magazine du 29 septembre 2015
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LA FAMILLE NON-PRIORITAIRE ?
Certaines paroles du Christ sont d’une exigence effrayante. Elles ont des allures de prétentions inacceptables. Elles expriment cependant la conscience qu’à le Christ d’être « Dieu incarné » et qu’il peut demander à ses disciples un dévouement qui ne revient qu’à Dieu. A nos yeux, ses attentes sont légitimes : il peut demander un amour qui dépasse tous les autres. C’est ce que prescrit le premier commandement : « Aimer Dieu par-dessus tout ». Et pourtant, quand le Christ précise les choses au sujet de notre amour pour lui, nous sommes choqués : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi ». En mettant en concurrence notre attachement à sa personne et nos liens affectifs avec nos proches, il nous touche et nous provoque. Il relativise l’importance des liens familiaux et demande que nos liens avec lui soient prioritaires : par la foi nous sommes devenus membres de sa famille spirituelle. En temps normal, nous menons harmonieusement les deux ensemble. Des circonstances exceptionnelles comme les persécutions peuvent acculer à faire des choix douloureux.
Nous tenons en haute estime la valeur de la famille. Pour les chrétiens, l’amour qui anime un couple vient de Dieu et la famille qui se fonde est une petite communauté chrétienne, une cellule d’Eglise, qui est consacrée par le sacrement de mariage.
Les évangiles ne rapportent aucune scène d’institution du mariage. Le rite sacramentel est apparu au cours des siècles.
Jésus a promis que là où 2 ou 3 seraient réunis en son nom, il serait au milieu d’eux. Cela s’applique à toute communauté chrétienne et aussi au foyer des époux chrétiens. Après les persécutions romaines, les chrétiens qui se mariaient selon les usages romains ont ajouté un rite religieux pour exprimer ce qu’il représentait à leurs yeux. Ces gestes sacrés ont évolué pour devenir notre rite actuel du mariage. Aux époux chrétiens il est demandé d’éduquer les enfants dans la foi et d’en faire des membres de l’Eglise par le baptême. Dans cette famille on aimera les siens dans l’amour de Dieu. Les choses se passent autrement dans les pays où la foi est une nouveauté ou dans les pays où les chrétiens sont persécutés.
Quand le Christ envoya ses apôtres en mission, il les a prévenus : ils ne rencontreraient pas que le succès ; ils se heurteraient à la liberté des gens, à leur refus et même à leur opposition. Lui-même n’a-t-il pas rencontré l’hostilité ? le vieillard Siméon au temple, recevant dans ses bras l’enfant-Jésus qu’on venait y présenter, avait prédit qu’il serait « une cause de division ». Lui-même, parlant aux apôtres, annonçait : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ». Il parle de conflits tragiques qui surgiront dans les familles à cause de lui : « Je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa maison ». C’est ce qui peut se produire en temps de persécution dans des familles où tous ne sont pas chrétiens.
Abbé Auguste REUL
Paru dans le Visé Magazine du 22 septembre 2015
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JÉSUS, AÎNÉ DE FAMILLE ?
La Bible, et même le récit de la naissance de Jésus, le présente comme le « fils premier-né » de Marie. On a cru pouvoir en déduire que Marie a eu d’autres enfants. C’est une erreur. La preuve en est donnée par une découverte archéologique : une pierre tombale dont l’épitaphe dit qu’il s’agissait de la sépulture d’une femme décédée lors de la naissance de son « fils premier-né ». Cette femme n’a pu avoir d’autres enfants, mais son unique fils était son « premier-né ».
Que signifie ce titre de premier-né ?
Encore de nos jours, la naissance d’un premier enfant dans un foyer est un évènement doublement heureux. Elle révèle que la maman n’est pas stérile et l’arrivée du premier permet d’en espérer d’autres pour former une belle famille.
Chez les Hébreux d’autrefois, le premier-né des garçons était un personnage important : il était le principal héritier et le futur chef de la famille. En plus, la naissance d’un enfant était considérée comme un don de Dieu pour lequel on rendait grâce. Ce premier-né était à leurs yeux la propriété de Dieu et devait lui être offert, « consacré ». Pour le racheter, les parents présentaient une offrande. C’est ce que Marie et Joseph ont fait lors de la présentation de Jésus au temple.
Le peuple hébreu tout entier se considérait comme le fils premier-né de Dieu depuis sa sortie d’Egypte. La dernière plaie qui a frappé l’Egypte et a amené le pharaon à laisser les Hébreux quitter le pays, fut une épidémie qui fit périr beaucoup d’enfants parmi lesquels les premier-nés. Israël fut épargné et libéré de l’esclavage qu’il subissait dans ce pays. Le peuple en conclut qu’il était l’enfant privilégié de Dieu, son « premier-né ».
Depuis longtemps, les Cananéens habitaient la contrée que nous appelons aujourd’hui la Palestine. Pour remercier leur dieu de leur avoir accordé une descendance, ils offraient en sacrifice leurs fils « premier-nés ». Abraham a nomadisé dans cette région avec sa famille et ses troupeaux. Il a cru devoir, lui aussi, sacrifier son unique fils. Au dernier moment, il comprit que son Dieu n’exigeait pas ce sacrifice. Dieu ne demande pas de sacrifice humains. Isaac a échappé à la mort et la religion du patriarche a fait grand progrès. Un rapprochement s’impose : Isaac, le fils unique d’Abraham, fut épargné, mais au Calvaire, le Fils unique de Dieu n’a pas été épargné : il a été livré à la mort. Mais, en le ressuscitant, Dieu l’a libéré de la mort.
Dès sa naissance, selon la tradition juive, Jésus est appelé « premier-né ». Ce titre lui convient d’autant mieux qu’il est le prototype d’une humanité nouvelle. St. Paul dit qu’il est le « premier-né d’une multitude de frères ». Par sa résurrection d’entre les morts, il nous a ouvert l’accès à la vie du monde à venir : il est le « premier-né d’entre les morts ». La foi et le baptême nous établissent en communion avec lui et, avec lui, nous sommes des ressuscités.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 15 septembre 2015
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DOUX ET HUMBLES
Dans notre société, l’avenir est aux « forts » et aux « battants ». Les « doux » et les « humbles » sont peu considérés. On les prend pour des incapables et des timides. Les mots qui désignent ces qualités sont d’ailleurs peu employés.
On parlera plutôt de « gentils » et de « modestes ».
Il est cependant intéressant de chercher le sens de ces mots en remontant à leur origine.
Dans le mot « humilité » nous retrouvons « humus » qui veut dire « terre ». Quand nous déposons un défunt dans sa tombe, nous « l’enterrons », c’est « l’inhumation ». Si on devait le déterrer, ce serait « l’exhumation ». Celui qui se fait humble s’abaisse sans nécessairement faire la carpette. Il se fait volontairement petit. Il est sans prétention, cache son importance, sa valeur et ses mérites. Sa simplicité fait de lui une compagnie agréable. Cette humilité est le résultat d’une maîtrise de l’orgueil et des ambitions qui nous habitent et qui, facilement, nous rendraient fiers, prétentieux et de compagnie déplaisante. Une affiche pleine d’humour et de réalisme exprime cela : le petit chien blanc Snoopy, en tenue élégante, lunettes solaires sur le nez, déclare : « Il est difficile d’être modeste quand on est le meilleur ». Nous nous estimons tous les meilleurs. St. Paul donne ce conseil judicieux : « Avec humilité, considérez les autres supérieurs à vous ». C’est dire que pour être « humble », il faut être « fort ».
Quand nous parlons d’un « doux », nous pensons à un « mou ». Nous le trouvons gentil, sans méchanceté ni rudesse, facile et malléable. Le mot vient du latin ‘dulcis » qui veut dire aimable.
Jésus se présente comme un Maître « doux et humble de cœur ». Cette affirmation se retrouve dans l’invocation : « Jésus, doux et humble de cœur, rends mon cœur semblable au tien ». Qu’est-ce qu’un « doux » aux yeux du Christ ? Sa béatitude : « Heureux les doux, ils recevront la terre en héritage », est une citation du psaume 36 qui décrit les « doux », qui ne sont pas des faibles. Le psaume rassure le juste qui pourrait être ébranlé et jaloux de la prospérité des impies et choqué par la détresse des justes. Le juste qui pourrait envier l’impie qui, par ses intrigues, accumule les richesses. Et le texte console le juste en affirmant que le bonheur des impies ne dure jamais longtemps et qu’au juste est promis un bonheur qui dure éternellement.
Au croyant, le psaume donne des conseils : « Ne t’indigne pas à la vue des méchants, n’envie pas les gens malhonnêtes. Ne t’indigne pas devant celui qui réussit. Laisse ta colère. Calme ta fièvre il n’en viendrait que du mal ». Qu’il ne s’offusque pas de la prospérité des impies, ne se laisse pas emporter par la colère et entraîner dans la révolte. Qu’il garde son calme, fasse confiance au Seigneur et prenne patience. « Dirige ton chemin vers le Seigneur, fais-lui confiance et lui, il agira. Mets ta joie dans le Seigneur. Repose-toi sur le Seigneur et compte sur lui. Le Seigneur te soutient de sa main. Pour le juste, avoir peu de biens vient mieux que la fortune des impies ». Le « doux » fait preuve d’une grande maîtrise de soi fruit d’une volonté courageuse et de la grâce de Dieu.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 8 septembre 2015
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« MARTYR » DÉVALUÉ
La valeur de notre argent diminue. Avec une même somme nous disposons aujourd’hui de moins de pouvoir d’achat qu’il y a 20 ans. C’est la dévaluation de l’argent qui est la suite de la hausse des prix, l’inflation. Ainsi, le temps qui passe et l’évolution de la valeur de l’argent nous appauvrit.
Il n’y a pas que l’argent qui est dévalué. Le sens des mots que nous utilisons pour nous exprimer évolue aussi et s’appauvrit. J’en vois un exemple notoire dans le sort qui est fait au mot « martyr ». Le sens que certains lui donnent aujourd’hui est loin de ce qu’il signifie en vérité : on vide le mot de son sens authentique.
J’entends parler de « texte-martyr » : c’est une rédaction qui peut être corrigée, modifiée, maltraitée, parce qu’elle n’est pas définitive. C’est un « brouillon ». Mais on a oublié ce qu’est un brouillon.
L’actualité parle de maltraitance des enfants. Les « enfants-martyrs » souffrent de mauvais traitements systématiques. Ces enfants subissent des sévices cruels d’autant plus répréhensibles quand ils sont le fait de parents ou d’éducateurs.
Les anniversaires des guerres mondiales raniment les souvenirs des événements survenus pendant ces conflits : on reparle des faits de guerre, des victimes militaires et civiles, de l’horreur des camps. On n’oublie pas les engagements risqués des résistants dont certains y ont trouvé la mort : ce sont les « martyrs de la résistance ». Les soldats tombés au combat sont des « martyrs de guerre ».
Le « martyre » est la torture, le supplice ou la mort qu’une personne endure pour la défense de sa cause. Le « martyr » refuse de renier ses convictions malgré les menaces et les sévices. Les diverses convictions religieuses ont leurs martyrs. Selon le sens classique du mot, le martyr est le chrétien qui témoigne publiquement de sa foi au Dieu unique et à la divinité du Christ, et qui porte ce témoignage jusqu’à la mort. Car, à l’origine, le mot « martyr » signifie « témoin ». Les Apôtres ont été les premiers témoins du Christ ressuscité. Le diacre St. Etienne est le premier martyr il a subi la mort par lapidation pour avoir témoigné de sa foi.
Les incroyants d’aujourd’hui pourraient réagir comme les païens d’autrefois. Ceux-ci ne comprenaient pas l’attitude des martyrs chrétiens. Ils n’y voyaient qu’obstination et fanatisme tragique. Lucien de Samosate écrit : « Ces malheureux se figurent qu’ils sont immortels et qu’ils vivront éternellement. En conséquence, ils méprisent les supplices et se livrent volontairement à la mort. »
Le mot « martyr » qui signifie « témoin », existait avant le christianisme. Il désignait la personne convoquée à la barre d’un tribunal pour certifier la réalité des faits qu’elle avait vus ou pour informer au sujet de personnes qu’elle connaissait.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 1er septembre 2015
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LA SOUFFRANCE : UNE ALARME
Pour avoir enduré quelques jours et quelques nuits une douleur aiguë permanente, je crois comprendre qu’une telle douleur prolongée devient insupportable. Une dame bien éprouvée depuis des années et hospitalisée, me confiait son découragement dû aux douleurs intenses et incessantes. Elle me disait comprendre ceux qui, pour y mettre fin, renoncent à vivre. Le lendemain, j’appris son décès.
On comprend difficilement la souffrance tant qu’on ne l’a pas connue. Certains estiment dès lors qu’il ne convient pas de parler aux souffrants. En présence d’un grand malade, en effet, les discours sonnent creux. Seule la compassion est de mise. Mais risquons quelques réflexions.
Deux maladies ne signalent pas leur présence : elles ne provoquent aucune douleur. C’est d’abord la lèpre causée par un bacille qui s’attaquent à la peau et aux nerfs et qui peut entraîner de graves lésions cutanées ou des déformations mutilantes. Un lépreux ne sent plus la douleur, ni quand il se blesse ni quand il se brûle. Le jour où le père Damien trempa ses pieds dans un bassin d’eau chaude sans en sentir la chaleur, il sut qu’il était lépreux. Heureusement pour nous, la lèpre ne sévit plus en Occident.
L’autre maladie indolore fait des ravages chez nous : c’est le cancer. La présence des tumeurs se manifeste par les obstructions qu’elles causent par compression ou envahissement des tissus voisins. Les dépistages préventifs sont très utiles.
L’absence de douleur rend ces deux maladies sournoises. D’autres maladies sont décelables grâce aux symptômes et aux douleurs qu’elles causent. La douleur fonctionne comme un avertisseur qui nous fait d’urgence recourir aux soins. La douleur signale un dysfonctionnement de notre organisme.
Élargissons notre réflexion et considérons la souffrance, le mal qui touche le monde. Comme la douleur physique est le signe d’un dysfonctionnement corporel, le mal dont souffre le monde n’est-il pas le signe d’un dysfonctionnement d’un autre ordre, spirituel ou religieux, de l’humanité ? Aux yeux des croyants, la vie en notre monde ne correspond pas tout à fait au projet de Dieu si bien que nous ressentons négativement même des choses qui sont « naturelles ».
Un penseur croyant danois, Johannes Joegersen, estime que la rupture de la relation harmonieuse de l’homme avec la création, avec les autres et avec lui-même. Il rejoint la pensée biblique qui dit qu’en refusant de faire confiance à Dieu, l’homme a perdu le paradis.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 25 août 2015
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PARLONS DE L’ESPRIT-SAINT
Quand elle parle de l’Esprit, la Bible le compare à des éléments de la nature indispensables à la vie : l’air, l’eau et le feu. L’Esprit anime en nous une vie intérieure divine qui n’existerait pas sans lui.
Notre planète est entourée d’une couche d’AIR qui permet à la vie de s’y développer. Quand un terrien s’aventure en –dehors de cette atmosphère, comme les cosmonautes et les plongeurs, il doit s’équiper de réserves d’oxygène.
La respiration est vitale. Elle ne produit qu’un souffle léger. Quand le vent se met à souffler, il devient puissant et dangereux.
L’Évangile selon St. Jean, au chapitre 3, parle de l’entretien de Jésus avec Nicodème : il est question de renaître dans la foi, sous l’action de l’Esprit qu’il compare au vent : « Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »
Selon le récit de la pentecôte, le don de l’Esprit s’accompagna d’un violent coup de vent ». Le même mot grec, la langue du Nouveau Testament, « pneuma », est traduit en français, tantôt par « souffle », tantôt par « Esprit ». De ce fait, la troisième personne de la Trinité nous semble une chose théorique, cérébrale, intellectuelle. Le mot « souffle » dit mieux que l’Esprit est la respiration vitale de Dieu.
L‘EAU est un autre élément naturel nécessaire à la vie. Sans eau, c’est la sécheresse, la famine, la mort. On meurt plus vite de soif que de faim. Dans les régions arides, les points d’eau sont vitaux. Israël en a fait l’expérience pendant son errance au désert. La fête juive des tentes commémorait ce séjour au désert. Chaque jour de cette semaine, un vase d’or rempli d’eau était amené en procession au temple et déversé sur un autel. L’Evangile selon St. Jean, chapitre 7, nous dit que lors d’une de ces fêtes, Jésus proclama : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et que boive celui qui croit en moi ». L’évangéliste précise : « Il désignait ainsi l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ».
Le FEU est le troisième élément naturel auquel l’Ecriture compare l’Esprit. Le feu brûle, réchauffe, illumine et réjouit. En St. Luc, chapitre 12, Jésus annonce : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il fût déjà allumé ». À la Pentecôte, des langues de feu se proposèrent sur chacun des apôtres. Ce feu extérieur est l’image du feu intérieur qui les transforma. Ce feu est celui de l’Esprit, de l’amour.
L’Esprit-Saint est donc l’amour divin : il est souffle puissant, eau vivifiante et feu dévorant.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 18 août 2015
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Les chrétiens sont baptisés » Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Ils sont dès lors unis à la Trinité, ils vivent dedans. Les enfants n’en sont guère conscients. Les adultes peut-être un peu plus. Que sait-on de ces trois personnes qui ne font qu’un seul Dieu et comment en parler ? Seraient-elles les divers visages du même Dieu ?
On nous en a parlé par comparaisons : un trident comporte trois dents ; un drapeau tricolore comporte trois couleurs ; un triangle a trois angles. Ces comparaisons sont superficielles et ne disent rien de la Trinité. On a présenté trois allumettes enflammées, d’abord séparées, puis on les a rapprochées : les trois flammes ont fusionné en une. Voilà une image plus chaude, plus vivante et plus lumineuse. Le feu reste une réalité mystérieuse et fascinante. La flamme est symbole d’amour. Ceci convient pour parler de la Trinité qui est un mystère d’amour.
On a enfin comparé la Trinité à une réalité humaine qui en est une parabole vivante : la famille. La famille, telle que nous la concevons, est suscitée par l’amour que se portent un homme et une femme qui fondent un foyer et qui accueillent des enfants. Parents et enfants, unis par l’amour, forment une famille. L’amour est une réalité humaine très puissante, universelle, et pourtant mystérieuse. On en vit, on en voit l’influence mais on l’explique difficilement. La vie en famille ressemble à ce qui se vit dans la Trinité. L’amour réciproque des conjoints donne naissance aux enfants qui en sont l’incarnation. Il est touchant de voir combien les enfants ressemblent à leurs parents et combien les parents sont conscients de se prolonger dans leurs enfants.
On aura compris que nous envisageons ici l’idéal du foyer et de la famille : bien des difficultés empêchent les familles de correspondre à cet idéal. Notre humanité est blessée. Elle peine à correspondre au projet initial de Dieu. Mais cela ne peut nous empêcher de voir dans la famille idéale une parabole vivante de la Trinité.
Dans la Trinité, le Père aime le Fils, le Fils aime le Père, l’Esprit est leur amour mutuel. Les trois personnes sont parfaitement distinctes et parfaitement unies. Elles sont la réussite parfaite d’une communion de personnes où nul ne subit la honte d’être soumis, ni l’humiliation d’être dominé. La Trinité est un modèle pour toute communauté : la famille, la communauté chrétienne, l’Église et la société des hommes. Nous sommes créées à l’image de ce Dieu d’amour. Notre vocation humaine est de reproduire à tous les niveaux ce modèle magnifique.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 11 août 2015
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Notre alphabet est l’ensemble des 26 lettres qui nous servent à écrire. Le mot « alphabet » est la fusion des noms des 2 premières lettres de l’alphabet grec : « a » se dit « alpha » ; « b » se dit « bêta ». L’écriture est une invention importante pour toute civilisation : les peuples qui n’ont pas inventé l’écriture nous restent inconnus.
L’alphabet est le résultat de toute une évolution : il a fallu découper les mots et les sons qui peuvent, chacun séparément, être transcris par une seule lettre. Les systèmes d’écriture se sont adaptés aux langues. Le plus ancien alphabet date du 13e siècle avant notre ère. Il nous vient des Phéniciens qui ont vécu au Proche-Orient, sur la côte de la Méditerranée, dans cette région occupée aujourd’hui, principalement, par le Liban.
Ceux que les grecs ont appelés « Phéniciens » étaient en fait des Cananéens qui ont occupé ces régions pendant des siècles. Trois de leurs villes sont connues : Byblos, Tyr et Sidon. D’autres populations se sont installées dans le pays : les Araméens, les Hébreux et les Philistins. Le port de Byblos, aujourd’hui Dgebail, au Nord de Beyrouth au Liban, importait le papyrus venant d’Egypte. C’était un support très apprécié pour l’écriture. Israël y achetait des rouleaux de papyrus qui lui servaient à écrire ses textes sacrés. Cette collection de livres a été appelée du nom de la ville où l’on se procurait le précieux support : la Bible. Héritiers de la culture cananéenne, ces Phéniciens ont légué au monde antique l’usage de l’écriture alphabétique. Ce système d’écriture ne notait que les consonnes comme l’a fait aussi l’hébreu antique. Il ne comportait que 22 signes.
Quand, au 9e siècle avant notre ère, les Grecs empruntèrent cet alphabet, ils transformèrent en voyelles certaines consonnes qui ne leur servaient pas.
La Toscane, région centrale d’Italie, fut occupée dès le 7e siècle avant notre ère par les Etrusques. Ceux-ci adoptèrent et modifièrent cet alphabet qui a, ensuite, été repris par les Romains qui nous l’ont transmis : c’est l’alphabet latin qui est le plus utilisé dans le monde. Le deuxième alphabet le plus répandu est l’alphabet arabe.
Les peuples slaves d’Europe centrale et orientale se servent de l’alphabet cyrillique. Ce nom lui vient de son inventeur St. Cyrille qui a vécu au 9e siècle. À cette époque, l’Église d’Orient avec le patriarche de Constantinople n’était pas encore séparée de l’Église d’Occident avec le pape de Rome. Cyrille et son frère Méthode étaient 2 prêtres grecs qui connaissaient la langue des slaves. Ils furent envoyés en Europe centrale et y prêchèrent l’Évangile en slavon. Cyrille inventa son alphabet pour pouvoir traduire en cette langue la Bible et la liturgie. Cette invention fut à l’origine d’une littérature en cette langue. Cet alphabet sert aujourd’hui à transcrire le russe, le serbe, le bulgare et l’ukrainien. Les polonais sont aussi slaves mais utilisent l’alphabet latin. L’union européenne connaît donc une variété de langues et aussi d’alphabets.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 4 août 2015
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Il s’agit du personnage biblique que fut le roi David, fondateur d’une dynastie dont le Christ fut un lointain descendant. Musicien à la cour de Saül, premier roi d’Israël, officier de son armée, il devint populaire par ses succès militaires. La jalousie féroce de Saül obligea David à quitter la cour pour devenir chef de bande caché au désert de Juda. À la mort de Saül, il est proclamé roi du Sud du pays tandis qu’un fils de Saül règne au Nord. Plus tard, devenu roi de toutes les tribus, il fit de Jérusalem, la nouvelle capitale, une ville sainte en y transférant l’Arche de l’Alliance, ce coffre sacré, signe de la présence de Dieu. Son projet de construire un temple ne se réalisa que sous le règne de son fils Salomon.
Animé d’une foi profonde, musicien et poète, il chantait des prières qui étaient des poèmes de sa composition : des psaumes. On a même cru devoir lui attribuer tous les psaumes, ce qui est improbable : une grande part a fait partie de la liturgie du temple. David fut le premier à prier de cette façon.
Grand amoureux de Dieu, David fut aussi un grand amoureux des femmes. Il eut 9 épouses et plus de 10 concubines. La plus connue de ses femmes, Bethsabée, fut d’abord épouse d’Urie, capitaine de l’armée. Un jour qu’Urie était en campagne avec l’armée, à Jérusalem, Bethsabée prit un bain dans son jardin, visible depuis le palais royal qui dominait la ville. Le roi, épris de cette très belle femme, la fit venir chez lui. Après cette aventure, elle se trouva enceinte et le fit savoir au roi. Après avoir en vain essayé de faire endosser à Urie la paternité de l’enfant, le roi fit disparaître le mari gênant. Cela est rapporté au chapitre 11 du second livre de Samuel. Quand la veuve eut fait le deuil de son mari, David la prit chez lui et elle devint sa femme.
Très adroitement, le prophète Nathan reprocha au roi son double péché. Il lui raconta l’histoire d’un riche, propriétaire d’un abondant cheptel, qui fit saisir l’unique bête d’un pauvre pour offrir un repas à un visiteur. L’indignation du roi contre cet homme sans cœur se retourna contre lui quand Nathan lui dit : « C’est toi, cet homme ». David ne chercha pas à se justifier mais avoua sa double faute en se reconnaissant adultère et assassin. Coupable à l’égard des hommes, il se reconnut aussi coupable devant Dieu. Il ne se prétendit pas dieu comme les rois des empires voisins, mais il tint humblement, à sa place de pécheur repentant, devant son Dieu. Il devint un pénitent modèle.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 14 juillet 2015
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JUDITH ET ESTHER, DEUX BEAUTÉS
Deux livres bibliques parlent de prouesses réalisées par des femmes dont l’atout principal était leur beauté.
Le LIVRE DE JUDITH est tout entier consacré à cette femme imaginaire présentée comme un modèle de résistance à un tyran venu d’Assyrie. Israël s’est reconnu dans cette femme dont le nom signifie « la juive ». Ce roman a été rédigé au 2e s. avant le Christ au moment de la persécution du syrien Antiochus qui voulait imposer le paganisme à Israël. Le livre est un appel à la résistance nationale et religieuse. L’auteur situe l’action 4 siècles plus tôt. Nous ne serons pas surpris par les inexactitudes historiques ni par les audaces risquées du personnage. Judith était veuve. Très belle femme douée de tous les charmes. À sa mort, son mari lui avait laissé une grosse fortune. Elle était irréprochable et avait un grand respect pour Dieu. De nuit, avec sa servante, elle quitta la ville encerclée pour se rendre au camp des Assyriens. Elle s’était coiffée, parfumée, avait revêtu ses habits de fête et s’était parée de ses plus beaux bijoux. Elle voulut voir le général Holopherne pour lui donner des renseignements stratégiques : elle est rusée et astucieuse, n’hésitant pas à mentir. Ravi par cette charmante personne, Holopherne donne un banquet auquel il invite Judith. Il avait l’intention de la séduire après le banquet. Judith accepta. Holopherne but au point d’être ivre. La nuit venue, l’homme était effondré sur le lit. Judith saisit le sabre accroché au lit et trancha la tête du général. Avec sa servante, selon un stratagème bien préparé, elle quitta le camp et rejoignit la ville.
C’est une parabole qui donne un exemple instructif. L’histoire ne connait aucun général de ce nom, la ville de Béthulie est inconnue et Judith n’a jamais existé.
Le LIVRE D’ESTHER est un conte d’auteur anonyme du milieu du 2e s. avant le Christ. Il raconte comment une tentative de massacre des Israëlites établis en Perse fut déjouée par Mardochée et Esther, devenue reine. Tout se passe au palais du roi, à Suze, la capitale. Soulignons qu’aucun des acteurs de ce récit romancé et dramatique n’a jamais existé.
Au départ, Esther était une jeune juive déportée. Orpheline, elle fut adoptée par un cousin Mardochée. Le roi qui venait de répudier sa femme, ordonna le ramassage des plus belles jeunes filles pour pouvoir choisir sa nouvelle reine. Esther fut l’élue alors que le roi ignorait son origine.
Le grand vizir de l’empire, vexé de l’attitude de Mardochée qui refusait de plier le genou devant lui, obtient que le roi décrète le massacre. La nouvelle fut ébruitée. Mardochée fit pression sur Esther pour qu’elle les sauvât en intervenant auprès du roi. Elle obtint gain de cause au point que la situation se retourna du tout au tout. Le vizir fut pendu à la potence qu’il avait préparée pour Mardochée.
Le récit est plein d’invraisemblances. L’intérêt se porte sur le retournement de la situation : Dieu ne peut tolérer la victoire de ses ennemis ; il sait retourner une situation désespérée. Sa providence cachée est à l’œuvre.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 7 juillet 2015
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Ceux qui nous critiquent ou nous font des reproches, ceux qui nous jugent ou nous condamnent. Nous sommes très sensibles à ce qui se dit de nous et nous avons tendance à penser que ceux qui nous font des compliments ont bien raison et que ceux qui nous font des reproches se trompent. Nous avons pourtant tout intérêt à examiner les reproches pour tirer profit de la part de vérité qu’ils comportent. S’ils ne sont pas justifiés, nous ne nous ferons pas de souci.
Des reproches peuvent venir de la part de personnes dont nous avons provoqué la colère : ils risquent d’être excessifs. Ils peuvent aussi venir de la part de proches qui, par bienveillance, osent nous parler avec franchise. Écoutons-les avec attention. Il y a aussi ceux qui, par profession, nous font des remarques : dans notre enfance, nos parents et nos éducateurs veillaient au respect de la morale qu’ils transmettaient. La police nous interpelle pour nos infractions au code de la route. Nos responsables de communauté pourraient faire des suggestions pour progresser vers la perfection.
Mais chacun dispose d’une voix intérieure qui ne cesse de donner son appréciation sur nos actes : la voix de la conscience. Elle évalue selon les convictions et les critères moraux que nous avons adoptés : ce qui correspond à cette morale est approuvé, ce qui lui est contraire est désapprouvé. La conscience est la principale référence pour juger de la valeur morale de nos actes. Il convient de l’éclairer par une éducation permanente. La conscience peut-être troublée par des sentiments maladifs de culpabilité causés par un échec grave ou léger, qui produit en nous un retentissement physique considérable. Cette fausse culpabilité obscurcit la raison. Il sera utile de parler à quelqu’un qui verra les choses avec plus d’objectivité et aidera à retrouver la sérénité.
Certains sont exigeants pour eux-mêmes. Ils se font d’eux-mêmes une image idéalisée. Ils sont déçus par leurs faiblesses et découragés par leurs échecs, fâchés contre eux-mêmes. Même quand les autres ou Dieu leur pardonnent, ils ne se pardonnent pas eux-mêmes : ils ne s’acceptent pas comme ils sont. Parmi les notes laissées par un homme qui venait de se suicider, j’ai lu ceci : « La pire colère est celle que l’on a contre soi-même ». Heureux qui accueille avec confiance et dans la joie le pardon qui lui est accordé et qui se reconnaît humblement tel qu’il est.
Les auteurs bibliques, surtout ceux de l’Ancien Testament, considèrent les malheurs comme des punitions de Dieu pour les péchés des hommes. Cette interprétation regrettable réapparaît encore spontanément de nos jours devant les malheurs. Nous savons que la révélation a été progressive et que le dernier mot a été dit par le Christ qui nous dit que Dieu est un Père qui aimes ses enfants et qui pardonne au pécheur repentant.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 30 juin 2015
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Rahab, dont parle le livre biblique de Josué, habitait Jéricho lors de l’invasion par Israël du pays de Canaan, terre promise par Dieu à leurs ancêtres. Après 40 ans d’errance dans le désert sous la conduite de Moïse, Josué, son successeur, envoya deux espions dans la ville. Surpris par la tombée de la nuit et la fermeture des portes de ville, ils entrèrent chez Rahab qui, par métier, accueillait des inconnus. Elle fut bienveillante envers ses clients qui avaient éveillé des soupçons chez les habitants et étaient recherchés par la police. Interrogée, elle reconnut avoir reçu ces hommes qui étaient repartis. En fait elle les avait cachés sur la terrasse de sa maison. Sachant qui ils étaient et combien ils étaient protégés par Dieu, elle était certaine de leur succès et s’assura leur protection. Elle était disposée à apporter son aide moyennant la garantie qu’elle et sa famille seraient épargnées. Elle était bien placée : elle habitait sur les remparts. Elle les laissa descendre le long des remparts par une corde fixée à la fenêtre. Il fut convenu que lors de l’attaque, elle fixerait une corde rouge à cette fenêtre : les assaillants repèreraient ainsi la famille à épargner. Mais cette corde pouvait aussi être très utile à un commando qui entrerait par là dans la ville, surprendrait les défenseurs et ouvrirait les portes.
Josué organisa une liturgie guerrière de diversion : une procession quotidienne avec sonnerie de trompettes autour de la ville pendant 6 jours. Le septième jour, le cortège fit sept fois le tour de la ville, le peuple poussa une clameur, les remparts tombèrent et le peuple s’empara de la ville. Josué épargna la famille de Rahab et l’invita à vivre avec Israël dont elle partageait la foi : elle était convaincue que ce peuple jouissait de la protection de Dieu. Elle qui ne « savait pas » d’où venaient ses clients, ni où ils étaient partis, « savait très bien que Dieu protégeait Israël ». Aux espions elle avait dit : « Je sais que le Seigneur vous a donné ce pays, que l’épouvante s’est abattue sur nous et que tous les habitants du pays ont tremblé devant vous. Car nous avons entendu dire que le Seigneur a séché devant vous les eaux de la mer des joncs lors de votre sortie d’Egypte ».
Rahab a vécu au milieu d’Israël. Elle devint l’épouse de Salmon. Elle est citée par l’évangile selon saint Matthieu dans la généalogie de Jésus (1, 5). Elle est la mère de Booz, un ancêtre de Jésus.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 23 juin 2015
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Une conférence récente et brillante a réveillé l’intérêt pour le saint Suaire de Turin. C’est le linceul dans lequel a été enveloppé le corps nu et sans vie d’un crucifié en qui la tradition reconnaît le Christ.
L’existence de ce suaire n’est connue par des documents historiques qu’à partir de 1353 : il était à Lirey en Champagne, en France. En 1453, il appartenait au duc de Savoie qui le garda au château du Chambéry où éclata, en 1532, un incendie qui endommagea le linceul. En 1578 le duc de Savoie et prince de Piémont le transporta à Turin, sa nouvelle capitale. En 1983, le linceul est légué au Saint-Siège tout en restant à la cathédrale de Turin où il échappa à un autre incendie en 1997.
En 1898, Seconda Pia en fit la première photo. Le négatif de la photo donna l’image d’un homme enseveli et suscita pour le linceul un nouvel intérêt et des débats passionnés. Des scientifiques l’examinèrent de toutes les manières pour connaître sa nature, lieu et la date de son origine, le mode de formation de l’image. Les résultats parfois contradictoires, nous apprennent qu’il ne s’agit pas d’un faux, qu’il date du début de notre ère et qu’il porte les traces du corps d’un supplicié qui a subi les sévices infligés au Christ pendant sa passion. La science ne se prononce pas sur l’identité du supplicié : elle ne le pourrait pas.
L’image montre la double silhouette d’un homme vu de face et de dos, les mains croisées sur le bas-ventre.
Si le cadavre avait été lavé, les traces de sang auraient disparu et il n’y aurait pas d’image. Selon l’évangile, on l’a enseveli à la hâte le soir du vendredi car le sabbat commence dès la veille à 18h. Le corps était nu, comme sur la croix. Par pudeur, le Christ de nos crucifix est vêtu d’un modeste linge autour des reins. On pense que l’image s’est formée par un processus chimique qui a pris des décennies ou des siècles. Le corps a reçu plus de 100 coups de fouet donnés par deux hommes. Son nez cassé est l’effet de coups reçus sur le visage. Ses genoux meurtris sont les traces de ses chutes. Les traces de sang venant du haut de la tête viennent de la couronne d’épines. Il a été cloué par les poignets, causant la rétraction des pouces qui ne se voient plus. Son côté droit a été percé. L’arrachement du tissu collé au corps aurait brouillé l’image. On ne trouve aucune trace de décomposition. Les chercheurs estiment que le contact du corps avec le linceul a duré moins de 48 heures. Que de coïncidences étonnantes et impressionnantes.
L’Église a toujours été très prudente à propos du suaire. Elle ne s’est jamais prononcée sur son authenticité. Elle confie aux scientifiques la tâche de continuer les recherches. Le suaire n’ajoute rien à la foi chrétienne. Il n’est pas une « preuve » de la résurrection du Christ, mais une « aide précieuse à la foi et à la prière des croyants ». (Cardinal S. Poletto).
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 16 juin 2015
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Tel fut le 14e s. marqué par la guerre, la famine et la peste. Ces catastrophes dégagèrent une odeur de mort qui inspira les peintures de ce temps : images hideuses de cadavres pourris et la mort sous forme de squelette à la faux. Les « danses macabres » étaient à la mode.
Depuis 1315, pendant trois ans, les mauvaises récoltes provoquèrent la famine. Ainsi, Ypres, ville de 20. 000 habitants, en perdit 3. 000 en six mois.
Alors que la menace turque pesait sur l’Europe, le continent fut frappé par la peste pendant 30 mois. Venue d’Orient, elle se répandit en 1348 dans de nombreuses régions. Après trois jours, les malades étaient morts. La contagion était foudroyante. On se hâtait d’enterrer les morts, non par pitié, mais par peur de la contagion. « Personne ne pleurait les morts, car chacun attendait sa propre mort ». Des villages et des villes furent dépeuplés. Florence compta 60. 000 victimes ; Venise 100. 000 ; l’Allemagne 1. 200. 000. En trois années de terreur, l’Europe perdit un tiers de sa population.
Les contemporains considérèrent la « peste noire » comme la punition de Dieu pour la déchéance de la papauté installée à Avignon et y menant une vie dissolue. D’autres imputaient les foudres divines au clergé ou voyaient dans l’épidémie l’œuvre du diable. Beaucoup se livraient à une piété aberrante faite de superstitions et de sorcellerie. On vit défiler des processions de pénitents et de flagellants. Mais à côté de ces manifestations religieuses déviantes, condamnées par le pape, le peuple chrétien connut une flambée de ferveur qui se distingua par un vif intérêt pour la passion du Christ et par un progrès étonnant de vie mystique. L’art et la littérature de la fin du siècle furent obsédés par les thèmes de la mort et de la précarité du bonheur humain. L’épidémie qui semait partout la mort et suscitait la peur, provoqua donc un renouveau de la foi.
L’historien français Jean Delumeau y a consacré une étude fouillée : « La peur en Occident du 14e au 18e s. : une cité assiégée » (1978). Il semble que les prédicateurs, au vu de l’effet salutaire de la peur, ont cru bon de maintenir les fidèles dans cette peur en les appelant à redouter la mort, le jugement et Dieu lui-même. Faire de la peur la motivation de la religion est contraire à l’Evangile qui est « Bonne Nouvelle ».
Ces faits nous interpellent sur les mobiles de notre engagement religieux : Est-ce par tradition, par habitude, par peur, par conviction ou par amour ? La confiance et l’amour évacuent la peur et comblent de joie et de paix.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 9 juin 2015
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« RESPECT » MIEUX QUE « TOLÉRANCE ».
Parmi nous vivent des gens différents de nous : ils ont leurs manières de s’habiller, de parler, de manger, de vivre, de penser, de voter, de prier ou de ne pas prier. Ces différences nous dérangent un peu mais nous voulons les respecter. Nous demandons à ces concitoyens de respecter nos manières et de ne pas vouloir nous imposer les leurs. Cela semble être la pratique au quotidien du respect des droits de l’homme et de la liberté de conscience.
Ce respect est une préoccupation moderne qui s’impose dans une société pluraliste. Là où, nous parlons de « respect », certains parlent de tolérance considérée comme une vertu. Mais elle ne peut se réduire à l’acceptation molle et résignée de tout comme également valable. Nous rejoignons M. Henri Bartholomeeusen, président du Centre d’Action Laïque, qui met en garde : « Le mot ‘tolérance’ est dangereux car s’il signifie accepter tout, il veut dire accepter les dérives ». C’est ce qui arriverait si la tolérance était l’effet de l’indifférence.
Que signifie le mot « tolérance » ? Il a une consonance négative. Il vise la résignation devant un mal inévitable qu’il faut supporter. « Tolérer », c’est supporter avec patience ce qu’on ne veut pas ou qu’on ne peut pas empêcher ».
Ceux qui luttent contre la violence faite aux femmes réclament la « tolérance zéro » pour les violences conjugales : elles sont « intolérables ».
Tant que l’Église considérait que « la seule vérité a des droits », elle prétendait que les hommes avaient l’obligation de s’y soumettre et qu’on pouvait les y contraindre. Elle ne respectait pas leur liberté. Elle était « intolérante ». En 1864 encore, le pape Pie IX n’admettait pas qu’on adhère librement à la religion de son choix. En 1963, le pape Jean XXIII fut le premier à parler, dans son encyclique « Pacem in terris », de liberté de conscience et de liberté religieuse. Le concile qu’il a convoqué lui a emboîté le pas. Il déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Nul n’est forcé d’agir contre sa conscience. Nul ne peut être empêché d’agir selon sa conscience. Ce droit à la liberté religieuse découle de la dignité de la personne humaine.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 2 juin 2015
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Ces mots désignent deux manières d’envisager l’origine de l’univers. Elles sont opposées dans la mesure où les créationnistes » affirment que tout a été fait instantanément par l’acte créateur de Dieu. Les « évolutionnistes » pensent que l’univers actuel est le résultat d’une lente évolution multimillénaire toujours en cours. Cette pensée qui fut d’abord une hypothèse scientifique est communément admise et enseignée dans l’enseignement catholique comme ailleurs.
Le premier livre de la Bible, la Genèse, est un assemblage de traditions d’époques et de milieux différents, influencées par les questions qui occupaient les auteurs en leur temps. Le premier récit de la création en Genèse 1, 1 à 2, 4, est l’œuvre des prêtres exilés à Babylone : c’est la tradition sacerdotale. Ces textes sont généralement abstraits, concernent le culte et la Loi. Selon ce récit, la création est l’effet de la Parole divine qui fait surgir les êtres et la vie dans le cadre de la semaine de six jours. Le septième jour est jour de repos. Soucieux d’inculquer l’obligation du repos du sabbat, les auteurs présentent le créateur comme un modèle. Disons de suite, que dans le même chapitre 2, on lit un second récit de création issu d’une autre tradition : le créateur y travaille comme potier, façonne l’humain avec la glaise, lui insuffle la vie et fait de lui le jardinier du monde. Dieu tire du côté de l’homme celle qui sera sa femme.
Ces deux versions de la création aux genres littéraires propres sont à lire avec discernement. Même le pape Pie XII dans son encyclique « Humani generis » (1950), cru devoir conserver le monogénisme selon lequel toute l’humanité est issue d’un seul couple, pour pouvoir expliquer la solidarité de toute l’humanité dans le péché, pensant que les effets du péché originel se transmettaient par hérédité comme une tare biologique.
L’évolutionnisme généralisé provoque aujourd’hui la réaction des fondamentalistes qui prennent à la lettre les textes bibliques. L’Eglise elle-même a mis du temps pour accepter cette manière de voir la création. Un évolutionniste chrétien connu, le jésuite Pierre Teilhard de Chardin, théologien et paléontologue, mort en 1955, en a beaucoup souffert.
Pour conclure, on peut dire que pour le croyant, l’univers n’existe que par la puissance créatrice de Dieu. Nous savons aujourd’hui que l’acte créateur de Dieu se fait par une évolution. Il s’agit d’une « création évolutive », selon la formule de P. Chaudart. Nous savons d’autre part que les humains de la planète sont solidaires, spirituellement comme physiquement, même si leurs ancêtres ont surgi en divers lieux de la planète.
Abbé Auguste REUL
Paru dans le Visé Magazine du 26 mai 2015
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L’Eglise, à ses débuts, a bénéficié de la paix qui régnait dans l’Empire romain pour se répandre et fonder des communautés sur le pourtour de la Méditerranée. Deux contrées notamment, sont devenues, dès les premiers siècles, des terres chrétiennes : l’Asie Mineure (la Turquie actuelle) et l’Afrique du Nord.
Voyons d’abord l’Asie Mineure. St. Paul y a fondé des Eglises. Dans le Nouveau Testament, nous gardons les lettres qu’il a adressées à des chrétiens de ce pays : aux Ephésiens, aux Colossiens et aux Galates. St. Jean, exilé sur l’île de Patmos, y écrivit l’Apocalypse, dernier livre du Nouveau Testament. Il mourut à Ephèse. Le début de l’Apocalypse est fait de 7 lettres adressées à des Eglise de ce pays. Au 4e s., en Cappadoce, sous l’impulsion de St. Basile, évêque de Césarée, le monachisme se développa. Toute la région se couvrit de monastères et d’églises. Un évêque de Myre est populaire chez nous : St. Nicolas.
En Afrique du Nord, des Eglises se développèrent dès avant 325. Certaines figures en sont connues : St. Antoine, ermite, était égyptien. Il fut le véritable « père des moines » qui s’établirent près de lui dans le désert vers la mer Rouge. Le désert se peupla de cellules. Antoine mourut centenaire. Sa vie a été écrite par St. Athanase, le grand évêque d’Alexandrie (vers 360). St. Pacôme fonda des monastères ou se regroupèrent des moines de Haute-Egypte, sur la rive droite du Nil, à Thèbes (Louxor). St. Augustin, évêque de Hippone, actuelle Bone (Annaba) en Algérie est un des auteurs qui a influencé les sciences religieuses.
Au cours des siècles, ces pays eurent à souffrir de guerres et d’invasions, mais ce sont les musulmans arabes qui furent le plus grand danger. L’Eglise, jadis maîtresse de la totalité du Proche-Orient, vit littéralement le sol se dérober sous ses pieds. L’islam s’est répandu très rapidement. En 632, à la mort de Mahomet quasi toutes les tribus arabes s’étaient ralliées à lui. Leur objectif commun fut la guerre contre les incroyants pour protéger et répandre l’islam. Là où l’Islam dressait sa bannière, il l’emportait sur les cultures des régions conquises : l’Asie Mineure jusqu’aux portes de Constantinople, le Proche-Orient, l’Egypte, l’Afrique du Nord et le Sud de l’Espagne. Plus tard les musulmans turcs donneront le coup de grâce à l’Empire d’Orient dont la capitale tomba en 1453.
Aujourd’hui, il reste en Turquie 70. 000 chrétiens arméniens dont le Patriarche vit dans le quartier de Kumkapi à Istanbul. Il reste 100. 000 chrétiens orthodoxes de langue grecque qui vivent à Istanbul dans le quartier du Fanar où réside le Patriarche œcuménique, chef spirituel de l’Orthodoxie grecque dans le monde. Il porte le titre de « Patriarche de Constantinople » tout en habitant Istanbul. En Egypte vit une minorité chrétienne copte forte de 7 millions de fidèles. Leur « pape » porte le titre de « Patriarche d’Alexandrie », mais vit au Caire.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 19 mai 2015
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En septembre 1830, les révolutionnaires belges obligèrent les troupes hollandaises à quitter la Belgique qui proclama son indépendance que le roi GUILLAUME 1er D’ORANGE ne reconnut qu’en 1839. Tombé veuf, il voulut épouser une comtesse belge, Henriette d’Outrelmont de Wégimont (Soumagne) qui était dame d’honneur à sa cour. Les hollandais s’opposèrent à ce mariage parce que la comtesse était catholique. Il abdiqua en 1840 pour épouser et vivre avec sa bien-aimée à Berlin où il mourut en 1843.
Un autre réfugié a connu une fin tragique dans le pays où il se croyait en sécurité : le lieutenant-colonel SS PEIPER, qui avait participé dans l’armée allemande à l’offensive des Ardennes comme chef d’un groupement blindé renforcé en décembre 1944. Avec ses 4 000 SS et une fameuse colonne de blindés, il comptait être le premier à atteindre la Meuse. Il se rendit odieux par ses crimes de guerre. Sa colonne fut bloquée à La Gleize. Lui et ses 800 survivants détruisirent leurs chars et s’enfuirent.
Après la guerre, il fut condamné à la prison à perpétuité. En 1954, sa peine fut réduite à 35 ans. Il fut libéré en 1956.
En Allemagne, la société civile lui resta hostile si bien qu’il acheta une maison en France à Travers, en Haute-Saône. En 1976, le journal L’HUMANITÉ révéla le passé de Peiper. Deux semaines plus tard, à la veille du 14 juillet, on bout le feu à sa maison. Il fut carbonisé.
Deux autres personnages cherchèrent refuge chez l’ennemi. D’abord NAPOLÉON. Après sa défaite à Waterloo il rentra à Paris. Devant l’hostilité de la population et ses députés, il abdiqua une seconde fois et voulu se retirer en Amérique. Mais une escadre anglaise bloquait la côte. Il se résolut alors de se livrer au gouvernement anglais et de lui demander asile. Les Anglais le considérèrent comme un prisonnier de guerre et l’internèrent dans une île de l’Atlantique-Sud, Sainte Hélène, où il mourut en 1821.
Le comte ROSTOPCHINE était gouverneur de Moscou au moment où la grande armée de Napoléon attaqua la ville. Le 14 septembre 1812, lendemain de l’entrée des Français, un immense incendie embrasa la ville. Il dura 10 jours et 10 nuits. Les ¾ de la ville furent détruits. Les Russes imputaient l’incendie aux Français.
En fait, le gouverneur, qui avait ordonné l’évacuation des habitants, avait aussi ordonné l’incendie : il pratiquait, comme d’autres, la politique de la terre brûlée. L’armée française qui Moscou le 19 octobre. Quand la vérité fut connue, Rostopchine fut désavoué par une opinion qui ne lui pardonnera pas l’incendie de Moscou. Il vint en France pour finir ses jours.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 11 mai 2015
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ANCIEN TESTAMENT PÉRIMÉ ?
Les lecteurs de la Bible pourraient croire que les livres de l’Ancien Testament ne leur sont plus utiles. L’Eglise continue pourtant à les proposer. Jésus lui-même les a souvent cités. Quand il compare le peuple d’Israël à une vigne, il reprend une image utilisée par le prophète Isaïe. Au reproche d’Isaïe, Jésus ajoute l’envoi des serviteurs venus pour se faire remettre le fruit de la vigne. Ils représentent les prophètes. Ils sont maltraités. Il parle du fils du propriétaire, envoyé par son père, avec l’espoir d’obtenir gain de cause. Mais les vignerons l’empoignent, le traîne hors de la vigne et le tuent. Il parle ici de lui-même : il est le Fils du Père, envoyé en dernier lieu, condamné, traîné hors de Jérusalem, exécuté au Calvaire. Il annonce sa passion. Il annonce sa résurrection en citant un psaume : « La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est l’œuvre de Dieu, une merveille à nos yeux ». Jésus est la pierre rejetée par les hommes puis glorifiée par Dieu.
Dès le début, l’Eglise a relu l’Ancien Testament pour y découvrir ce qui concernait le Christ. C’est ce que Jésus avait fait lui-même, le jour de Pâques, avec les disciples sur la route d’Emmaüs : « Il leur expliqua, dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait ». En racontant la dernière apparition du Ressuscité, l’évangéliste St. Luc rapporte ces paroles de Jésus : « Voici ce que je vous ai dit quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les prophètes et les psaumes ».
Comme Ecriture la jeune Eglise ne disposait que de l’Ancien Testament. Les premiers textes du Nouveau Testament ne paraîtront qu’un demi-siècle plus tard. Le Nouveau Testament contient d’ailleurs quantité de citations et d’allusions à l’Ancien. Le livre biblique le plus souvent cité est celui des psaumes. Ignorer l’Ancien Testament, c’est se condamner à ne pas comprendre le Nouveau qui parle un langage biblique.
Ainsi, la prière de Marie, le Magnificat, est une collection de citations bibliques.
Quand Jésus se désigne comme « le fils de l’homme » et parle du « Royaume de Dieu » il reprend des expressions du livre de Daniel. Parmi les 7 paroles du Christ en croix, 3 sont tirées du livre des psaumes : « Mon Dieu, mon Dieu » (Ps. 21) ; « J’ai soif » (Ps. 68) ; « Je remets mon âme entre tes mains » (Ps. 30).
Ne boudons pas l’Ancien Testament dont vivait l’Eglise au temps des apôtres et dont Jésus et sa mère nourrissaient leur prière.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 5 mai 2015
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Bien des violences sont commises au nom de Dieu. Ce qui se passe de nos jours dans des pays musulmans entre Chiites et Sunnites, se passait au XVIe s. dans l’Europe chrétienne entre Catholiques et Protestants : c’étaient » les guerres de religion ». Les différences religieuses ont souvent été causes de guerre. Encore que le motif religieux cachait d’autres motivations : des princes ont trouvé dans la révolte religieuse un prétexte pour s’opposer à l’empereur ou aux rois et pour confisquer les biens de l’Eglise. Les monarques de leur côté, combattaient la Réforme pour conserver leur pouvoir pensant que pur maintenir l’unité de leurs sujets ils ne pouvaient admettre qu’une seule religion.
Au cours des siècles, les réformateurs qui se sont levés dans l’Eglise pour dénoncer, ses fautes, ont souvent été mal accueillis. Ils ont eu à souffrir, ont été persécutés ou ont été exclus comme hérétiques. Pour maintenir l’unité de la foi face aux nombreux déviants, l’Eglise a eu recours à une répression sévère. Au XIIIe s. les pouvoirs religieux et civil collaboraient pour « rechercher » et punir les hérétiques : c’était l’inquisition. Les enquêtes étaient menées sous la torture et les peines capitales étaient nombreuses. On pourchassa tous les déviants et les bûchers se multiplièrent. Dans une étude sur la tolérance, B. Lobet parle de l’intolérance de l’Eglise de ce temps : « Chacun était convié à dénoncer ceux qu’il soupçonnait d’hérésie : on comprend combien ce régime allait très vite tourner à la terreur. Si l’on ajoute à cela la pratique (recommandée par Innocent IV, Alexandre IV et Clément IV) de la torture dans ces tribunaux, on peut que juger très sévèrement ce douloureux passé – quoi qu’en disent certains apologistes chrétiens jusqu’au XIXe s., trop soucieux de défendre à tout prix l’institution ».
Dans ce siècle d’obscurantisme l’Eglise restait traumatisée par la Révolution Française dont elle assimila difficilement les idées nouvelles. En 1864, le pape Pie IX publia le catalogue des erreurs modernes : il condamnait tout ce que ce siècle avait produit de neuf en matière de fraternité et d’ouverture, y compris l’idée de progrès. L’ouverture aux valeurs positives de la liberté de conscience fut le fait du pape Jean XXIII en 1963. À la même époque, le concile généralisa ces positions. En 2000, par la bouche du pape Jean-Paul II, l’Eglise reconnaissait ses fautes et demandait publiquement pardon pour le mal commis au cours de l’histoire par ses enfants qui se sont rendus coupables d’attitudes contraires à l’Evangile. La foi chrétienne a été cause de violences. Il ne peut plus en être ainsi. Dans l’Eglise tout le monde ne semble pas avoir apprécié cette initiative toute nouvelle.
L’Eglise sait qu’elle a besoin d’une réforme permanente. Elle poursuit sa conversion sous la houlette du pape François.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 28 avril 2015
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Depuis 1991, grâce à la dislocation de l’Union Soviétique, l’Arménie est un petit état du Caucase de 3. 300. 000 habitants dont les principaux voisins sont la Turquie, la Géorgie et l’Iran. De 1895 à 1918, l’Arménie a traversé la période la plus pénible de son histoire. Des massacres firent des ravages en 1895 et 1896 et de 1915 à 1918.
En 1895, l’Arménie vivait sous la domination de l’empire Turc-Ottoman, dont le chef, le sultan Abd-Ul-Hamid se fit protecteur de l’Islam. Les Arméniens, chrétiens, demandèrent aux pays européens de faire pression sur le sultan pour obtenir leur protection. Le sultan n’honora pas ses promesses et approuva le massacre des Arméniens. Il leur gardait rancune d’avoir fait soutenir leurs revendications par les grandes puissances. Quelques Arméniens, las d’attendre les réformes, fomentèrent des attentats. Le sultan lança les Kurdes contre eux : pillages et conversions forcées d’abord eurent lieu, puis d’horribles massacres qui firent plus de 300. 000 victimes.
Lors de la première guerre mondiale, l’empire Ottoman, gouverné par les « jeunes Turcs » au pouvoir depuis 1908, se rangea du côté de l’Allemagne. Certains Arméniens se rangèrent du côté des Russes (nos alliés) dans l’espoir que ceux-ci les aideraient à former un Etat indépendant. Les troupes russes, dans l’intention d’annexer des territoires situés à l’Est de la Turquie, provoquèrent la dispersion ou la mort de 600. 000 Turcs et Kurdes. Mais, lors de leur contre-attaque victorieuse, les troupes turques firent parmi les Arméniens plus de 1. 500. 000 victimes par massacres et déportations. La terreur visait les Arméniens de toute la Turquie. De nos jours, dans certaines villes de l’Est de la Turquie, des quartiers arméniens entiers sont totalement en ruine et déserts : effet poignant du génocide. Il y eu un exode massif d’Arméniens vers l’étranger : 3. 500. 000 Arméniens sont aujourd’hui dispersés dans le monde. Il en reste 70. 000 en Turquie. Leur Patriarche orthodoxe vit à Istanbul.
Ces massacres restent un sujet brûlant et objet de controverses.
En 1919, devant un tribunal militaire, le général Mustapha Kémal a déclaré : « Nos compatriotes ont commis des crimes inouïs, … organisé la déportation et le massacre, mis les Arméniens dans des conditions insupportables comme aucun peuple n’en a connues dans toute l’histoire ». Ce même général, fondateur de la Turquie moderne, devenu Président e la République en 1923 sous le nom de Mustapha Kémal Ataturk, au nom de l’unité nationale, a nié la réalité du massacre. La Turquie n’a jamais accepté de reconnaître ce génocide.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 21 avril 2015
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GIBET COMME SIGNE
Un moine bouddhiste en visite à Louvain fut hébergé chez les moines catholiques bénédictins de l’abbaye du Mont César et logea dans l’une de leurs cellules. A celui qui lui demanda à son lever, s’il avait passé une bonne nuit, il avoua qu’il n’avait pas dormi : le Christ en croix accroché au mur l’avait choqué et troublé. Les bouddhistes en effet, cherchent à réduire la souffrance en pratiquant le détachement. L’image de cet homme torturé le heurtait profondément. Les chrétiens n’ont pas toujours représenté sur la croix un Christ souffrant. Pendant trois siècles ils n’ont montré aucune croix : la crucifixion restait en vigueur et les chrétiens, persécutés, devaient se cacher. Sur leurs cercueils taillés dans la pierre, ils représentaient le Sauveur comme un jeune berger portant une brebis sur les épaules. Quand la religion chrétienne fut admise et que l’affreux supplice romain fut supprimé, on représenta Jésus en croix, mais comme un roi couronné d’un diadème précieux et vêtu d’un manteau royal, les bras ouverts sur le monde. Le vieux Christ de Tancrémont, près de Banneux, reprend cette manière : Jésus ressuscité, vainqueur du mal et de la mort, règne sur l’univers. Cela correspond à ce que disent les évangiles. En St. Luc, Jésus en croix accueille en son Royaume le premier citoyen : le bon larron. En St. Jean, Jésus parle de sa mort : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». Ces mots s’entendent de deux manières : Jésus est « élevé », suspendu à la croix et par la résurrection le Père « l’élève dans la gloire ». Le même événement comporte deux faces. Jésus a parlé de sa passion en disant : « Je dois recevoir un baptême, et j’ai hâte qu’il soit accompli ». Il sera en effet « plongé dans la souffrance » (« baptême » veut dire « plongeon ») et dans la mort. Comparons avec notre baptême. Chez nous, le rite est fort simplifié on verse un peu d’eau. Certains ont conservé le rite ancien bien plus éloquent : le candidat est plongé dans une piscine baptismale ressemblant à un tombeau. Il est « noyé » pour « renaître » à une vie nouvelle. Il meurt avec le Christ pour entrer dans la vie éternelle avec le Christ. C’est un sacrement pascal qui est donné à Pâques ou un dimanche, jour de la résurrection. Nous comprenons dès lors ce que St. Paul au sujet des effets du baptême : « Il nous fait passer par la mort avec le Christ, nous unit à sa mort. Nous avons été mis au tombeau avec le Christ et nous vivrons avec lui ».
Abbé Auguste Reul.
Paru dans le Visé Magazine du 14 avril 2015
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FUNÉRAILLES SANS MESSE
Très tôt, les chrétiens ont entouré les corps des défunts de rites rappelant leur entrée dans l’Eglise. On voulait ainsi les aider à entrer dans l’Eglise du ciel. La toilette funèbre et la vêture rappelaient le baptême. L’onction aromatique qui se pratique encore en Orient, rappelait la confirmation. Dans certaines régions on alla jusqu’à déposer le pain consacré dans la bouche du défunt. Depuis longtemps, la messe célébrée pour le défunt rappelle sa participation à l’eucharistie. On crut un temps que ces rites étaient un sacrement que tous devaient recevoir. St Augustin, évêque en Afrique du Nord au temps des massacres perpétrés par les envahisseurs barbares, dut expliquer : Devant la grande quantité de victimes l’évêque rassura les fidèles au sujet du sort des morts inhumés sans funérailles. Ce ne sont pas les cérémonies funéraires qui sauvent. Elles sont une intense prière pour les défunts, un réconfort et un bienfait pour les vivants. Pendant des siècles, l’Eglise a accompagné de rites religieux les divers moments de la fin de la vie, depuis l’agonie jusqu’à l’inhumation. Bien des rites ont disparu. Les paroisses ne s’occupèrent plus que de la veillée de prière et de la liturgie des défunts qui comprenait un office ou une messe si l’heure le permettait. (Au temps du jeûne eucharistique sévère, aucune messe n’avait lieu l’après-midi.) Au 17e s. le rituel de Paul V disait que cette liturgie pouvait se faire dans le mois si elle n’avait pas pu se faire au moment du décès. Les pratiques ont donc varié au cours du temps et se sont adaptées aux conditions de vie de la population. Aujourd’hui, dans nos pays, on connaît une forte baisse du nombre de prêtres. On en est même venu à confier à un même prêtre plusieurs paroisses regroupées en Unité Pastorale. Les curés qui assurent eux-mêmes la célébration de toutes les funérailles, y consacrent une grande partie de leur temps. Le nombre de prêtres va diminuant. L’évêché, conscient du problème actuel et futur, a pris des dispositions. Depuis plusieurs années, une directive épiscopale demande qu’une « liturgie des funérailles » soit assurée dans tous les cas et que l’eucharistie soit célébrée si la famille en fait explicitement la demande. Ceci ne peut se faire que s’il y a un prêtre pour la célébrer. Certaines unités pastorales comptent un grand nombre de paroisses et très peu de prêtres. Elles ne sont plus en mesure d’assurer l’eucharistie à toutes les familles qui pourraient la demander. Par souci d’assurer à toutes les familles endeuillées le même service, des équipes constituées de prêtres, de diacres et de laïcs sont chargées des funérailles dont aucune ne comporte l’eucharistie. Les familles sont invitées à la messe dominicale mensuelle célébrée à l’intention des défunts du mois. L’Eglise propose des sacrements aux malades : la communion à domicile, l’onction des malades trop souvent encore appelée « extrême-onction », et le sacrement prévu pour ceux qui vont quitter ce monde : la communion reçue en « viatique », comme nourriture pour le grand voyage.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 31 mars 2015
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Abraham Lincoln, bien avant d’être Président des U.S.A., a commis une erreur qui faillit lui être fatale. « En 1842, il s’attaqua à un politicien vaniteux et batailleur, du nom de James Shields. Il le ridiculisa outrageusement dans le SPRINGFIELD JOURNAL. Un rire immense secoua la ville. Shields, fier et sensitif, bondit sous l’outrage. Il découvrit l’auteur de la lettre, sauta sur son cheval, trouva Lincoln et le provoqua en duel ; Lincoln ne voulait se battre ; il était opposé au duel, mais il ne pouvait l’éviter et sauver son honneur. On lui laissa le choix des armes. Comme il avait de longs bras, il se décida pour l’épée de cavalerie et prit des leçons d’escrime. Au jour dit les deux adversaires se rencontrèrent sur les bords du Mississippi, prêts à se battre jusqu’à la mort. Heureusement, à la dernière minute, les témoins intervinrent et arrêtèrent le duel. »
Jeune, Lincoln aimait critiquer : il écrivait des lettres ridiculisant certaines personnes et les laissait tomber sur les routes dans l’espoir que les intéressés les trouveraient. L’une de ces lettres suscita des rancunes tenaces et durables. Il était avoué à Springfield quand il publia dans un journal la lettre ouverte dont nous parlions. Le duel avec Shields auquel il échappa de justesse, fut l’incident le plus tragique de la vie privée de Lincoln. « Il en tira une précieuse leçon sur la manière de traiter ses semblables. Jamais plus il n’écrivit une lettre d’insultes ou de sarcasmes. À partir de ce moment, il se garda de critiquer les autres ».
Ces citations sont tirées du livre de Dale Carnegie : « Comment se faire des amis ». Par ses moqueries, le jeune Lincoln s’était fait des ennemis. La moquerie en effet provoque la colère, la rancune et la vengeance.
Un débat récent sur la liberté d’expression a agité l’opinion publique. La liberté d’expression a des limites. « Elle n’autorise pas tout, elle doit s’exercer sans offenser ». « Jouer avec la religion des autres est une provocation » dit le pape François. « On ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision ».
Lincoln apprit à se maîtriser : non seulement il s’abstint de critiquer, mais encore il ne se laissa plus émouvoir et ébranler par les moqueries dont il était lui-même victime : il gardait son calme et sa lucidité. Sa relation avec Stanton en est un exemple frappant.
Lors de la campagne électorale pour la présidence, Lincoln avait un ennemi nommé Stanton. Celui-ci haïssait Lincoln, le ridiculisait, se moquait de son physique. Quand Lincoln, devenu Président, dut désigner ses collaborateurs, il choisit Stanton pour l’office capital de Secrétaire à la Guerre. Ses proches lui conseillèrent de se méfier de cet homme. Lincoln répondit : « Je connais Stanton, je suis au courant des choses qu’il a dites contre moi. Mais, après réflexion, j’estime qu’il est le meilleur pour ce poste ». Et Stanton devint Secrétaire à la Guerre et rendit à son pays des services inappréciables. Quand Lincoln fut assassiné, bien des éloges lui furent décernés. Mais de ce qui a été dit à la gloire de Lincoln, rien ne dépasse les paroles de Stanton. D’un ennemi, Lincoln s’était fait un ami.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 24 mars 2015
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HÉRITAGE ARABE
À l’école, nous avons appris à lire, à écrire et à compter : lecture à haute voix ou silencieuse, écriture souvent sous dictée, calcul appelé aussi arithmétique. Pour nous aider à compter, la classe disposait d’un grand « boulier compteur ». Certains en avaient un petit à la maison. Tous disposaient du compteur naturel que sont nos dix doigts. Ils seraient à l’origine de notre système décimal.
Le chirurgien qui enlève une pierre du rein d’un patient, parle aussi de « calcul ». Ce mot désigne un caillou. Autrefois on se servait de cailloux pour compter. Nous avons d’abord appris les « mots » qui désignent les nombres. Nous avons ensuite écrit les « chiffres ». Surprise : toutes les langues les écrivent de la même manière, mais chaque langue les lit à sa manière. Ce sont les chiffres arabes.
En Europe, depuis l’empire romain, les chiffres romains étaient en vigueur. Ce sont des lettres auxquelles on donne une valeur numérique. Leur usage est compliqué et prends beaucoup de place. Les chiffres arabes furent introduits en Europe au Xe s. par le pape Sylvestre II. Nous devons aux arabes notre système de numérotation décimale écrite. Nos chiffres actuels n’ont plus la forme arabe. À l’origine, « un chiffre » (en arabe « sifr »=0) est un dessin géométrique qui compte le nombre d’angles qui correspond à sa valeur. Ils n’étaient faits que de lignes droites. Seul le zéro est circulaire : il n’a aucun angle.
Les consommateurs de café savent-ils que le mot qui désigne cette boisson nous vient de l’arabe « quah wa », prononcé « khavé » par les Turcs. La consommation de café s’est répandue en Orient au XVe S. et en Europe occidentale au XVIIe s. On peut dire que le café fut un butin de guerre pris aux Turcs après leur défaite devant Vienne.
En 1683, 20 ans seulement après une autre offensive contre la même ville, une armée turque de
300 000 hommes fit le siège de Vienne pendant deux mois. Une armée allemande et une armée polonaise volèrent au secours des Viennois et infligèrent aux Turcs une défaite qui es contraignit à abandonner leurs positions et à prendre la fuite. Après la déroute turque, les Viennois ont exploré les camps désertés et trouvèrent parmi les armes et les vivres un sac ouvert contenant d’étranges petits grains noirs à l’odeur inconnue : c’était du café. Un polonais ayant vécu à Istanbul leur expliqua de quoi il s’agissait et leur en prépara pour le faire goûter. Ce polonais a ensuite ouvert à Vienne le premier « café » d’Europe occidentale. Nous buvons le café dans des « tasses » : c’est aussi un mot qui vient de l’arabe. Décidément, nous leur devons beaucoup.
Abbé Auguste Reul
Paru dans le Visé Magazine du 17 mars 2015
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LA VÉRITÉ DES RELIGIONS :
Le brassage des populations entraîne la rencontre des différentes religions, notamment avec les musulmans. Le terrorisme issu de l’Islam brouille le jeu. Pendant des siècles, l’Islam, agressif et conquérant, a même menacé l’Europe Occidentale. Ses armées ont été refoulées à Poitiers (France) en 732. Arrêter les progrès de l’Islam était aussi un des objectifs des 8 croisades qui partirent au Proche-Orient du 11e au 13e siècle.
Les arabes ont été chassés d’Espagne en 1492. La flotte turque a été vaincue à la bataille de Lépante, à l’entrée du golfe de Corinthe (Grèce) en 1571. L’armée turque a été forcée de lever le siège devant Vienne (Autriche) en 1683. Plus tard, surtout au 19e siècle, les nations européennes « chrétiennes », fortes de leur supériorité militaire, ont étendu leurs empires coloniaux dans le monde, aussi sur des pays musulmans. Les missionnaires suivaient les armées. Dans ces conditions, les rencontres interreligieuses étaient difficiles. Les choses se passent autrement aujourd’hui. L’heure est au dialogue.
L’Islam est convaincu de sa supériorité sur les autres religions : né après le Judaïsme et le Christianisme, il serait la religion parfaite.
Ceux qui veulent éviter les conflits et favoriser le dialogue sont tentés d’éviter les divergences ou encore de réduire leurs convictions pour déclarer que chaque religion a sa vérité et que les religions se valent. C’est le relativisme pratiqué par ceux qui n’ont qu’une connaissance superficielle des choses. Or, tout en favorisant le dialogue et la collaboration, il convient que les chrétiens témoignent de leur foi, estiment, préservent et fassent progresser les valeurs qui sont les leurs. Un dialogue valable demande que chacun reste fidèle à sa foi, sans l’imposer aux autres, et sans admettre que l’autre nous impose la sienne.
Il semble que les chrétiens d’Europe font preuve d’une très grande discrétion. Une chose est à souligner. Aucun autre fondateur de religion, à part le Christ, ne s’est présenté comme Dieu. Nous croyons qu’il est Dieu. Nous dirons avec Pascal : « Sel Dieu parle bien de Dieu ». Ce qu’il nous apprend sur Dieu est plus vrai que ce que les hommes peuvent en dire. Dire cela n’est pas une prétention inacceptable.
Le concile a rencontré ces questions dans sa déclaration sur les religions non-chrétiennes.
« L’église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la Vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jean14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses. »
Abbé Auguste Reul.
Paru dans le Visé Magazine du 10 février 2015
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PECHE ORIGINEL : ENCORE ?
La pomme croquée par Adam et Eve est-elle vraiment la cause de tout le mal qui déferle sur le monde ? Ce serait absurde. Lisons la Bible. Elle parle « du fruit de la connaissance du bien et du mal ». C’est un fruit symbolique, et le récit, qui n’est pas historique, n’est pas à prendre à la lettre. Les personnages fictifs représentent l’humanité. Le texte explique, à sa manière, l’origine du mal et des désordres qu’il provoque.
Les sages d’autrefois constataient comme nuis, qu’il y a beaucoup d’égoïsme, de méchanceté, d’injustice et de violence. Nous nous sentons nous-même enclins au mal. Tout cela ne peut provenir du Créateur qui est bon. Les désordres causés par le mal existent depuis toujours. La Bible a donc placé à l’origine de l’humanité ce mot d’explication. Ne ferions-nous pas le même raisonnement ? Les malfaiteurs et les tyrans ne respectent rien ni personne. Ils n’en font qu’à leur tête, selon leur propre loi. Ils s’arrogent le droit de déterminer ce qui est bon et ce qui est mauvais comme s’ils disposaient du pouvoir divin. Leur orgueil les conduit à refuser de reconnaître leur dépendance du Créateur. C’est de ce refus que parle la Bible. Le malin suggère : « Le jour où vous mangerez de ce fruit, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal ». Cette science permet de juger de tout, de faire concurrence à Dieu et de s’opposer à Lui. Dieu crée l’homme bon, mais libre. L’homme a usé de cette liberté : au lieu de reconnaître sa dépendance et d’accepter ses limite de créature, il a rompu la confiance. Il a brisé l’harmonie qui était en lui-même, entre les hommes et entre les hommes et la création. Du fait de la solidarité entre tous les hommes, l’effet de cette rupture les contamine tous. Dire que « les hommes naissent avec le péché originel » prête à confusion. Nous n’héritons pas d’une faute personnelle qui nous serait imputable. Il n’y a pas de péché sans intervention de la liberté personnelle. A la naissance on vit dans l’amour de Dieu et on est en même temps enclin au péché : notre nature est blessée ; la maitrise de soi est difficile ; l’amour du prochain suppose la victoire sur l’égoïsme ; le respect de la création est le fruit de la gratitude envers le Créateur et du souci des générations futures.
Pour le chrétien, ce tableau sombre est à l’arrière plan qui met en pleine lumière la figure resplendissante du Christ ressuscité vainqueur du mal et de la mort, dont nous héritons dès maintenant la paix par la solidarité qu’établissent entre Lui et nous, la foi et les sacrements, surtout le baptême et l’eucharistie.
Abbé Auguste Reul.
Paru dans le Visé Magazine du 3 février 2015
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Jésus est un personnage historique qui semble intéresser les écrivains : bien des livres lui sont consacrés. Les auteurs ont des convictions différentes : les uns l’admirent, d’autres sont sceptiques et doutent de sa divinité. Il n’aurait jamais affirmé sa divinité et n’aurait été considéré comme Dieu par ses disciples que bien plus tard.
Jésus était très discret pour éviter qu’on ne fasse de lui un chef nationaliste. Il n’a jamais dit brutalement : « Je suis Dieu ». Le drame eut été immédiat. Il n’a dévoilé que progressivement son identité, en utilisant le langage de la Bible. Ainsi, il se présente comme « le Fils de l’homme ». Ce titre ne vise pas son humanité mais sa divinité. Cette expression énigmatique suggère, tout en le voilant, l’aspect divin de sa personnalité. Ce titre est tiré du livre de Daniel qui parle au chapitre 7 d’un Fils d’homme qui paraît sur les nuées et reçoit de Dieu une investiture royale sur toutes les nations de la terre. Il est placé à la tête du Royaume de Dieu annoncé par les prophètes. Venant sur les nées, il participe à la grandeur de Dieu. Au cours de sa passion, Jésus comparaît devant le Grand Conseil juif. Le grand prêtre, à court d’arguments, adjure Jésus de dire s’il est le messie, le Fils de Dieu. La réponse est affirmative et ajoute : « Vous verrez le Fils de l’homme, siégeant à la droite du tout-puissant et venant sur les nuées du ciel ». Cette réponse est jugée blasphématoire car il a revendiqué la dignité d’un rang divin. Jésus cible la Bible, et ses juges qui connaissent la Bible ont compris. Jésus sera condamné pour avoir affirmé sa divinité.
On pourrait citer d’autres paroles ou paraboles qui sont des affirmations voilées de sa divinité. Dans ses lettres, St. Jean recommande de ce qui fait le fondement de la vie chrétienne : l’amour fraternel, mais d’abord la foi au Christ, Dieu fait homme. Ceux qui nient cette incarnation de Dieu sont dans l’erreur. Dans son Evangile, il affirme clairement la foi de l’Eglise en la divinité du Christ. Dès la première page, il parle du Christ, arole de Dieu « le Verbe était Dieu. Il s’est fait chair. Personne n’a jamais vu Dieu. Le Fils unique qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé ». Le symbole des Apôtres, ce résumé très ancien de la foi chrétienne, s’exprime au sujet de l’identité de Jésus : « Fils unique de Dieu, notre Seigneur ». Le texte plus complet, fruit des débats des conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381) dit : « Il est Dieu, né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père ».
Un catholique est devenu enfant de Dieu par le baptême qui a aussi fait de lui un enfant de l’Eglise. En matière de foi, il accorde à sa Mère une plus grande confiance qu’aux auteurs qui ne donnent que leur avis personnel.
Abbé Auguste Reul.
Paru dans le Visé Magazine du 27 janvier 2015
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LE ZOO DE NOE
L’image du cortège d’animaux montant par couple dans l’arche est connue. Cet embarquement faisait partie de la mission confiée à Noé et à sa famille, de sauver la création du déluge et de repeupler la terre après le désastre.
Les peuples du Moyen-Orient ont conservé le souvenir d’inondations catastrophiques qui eurent lieu dans des temps reculés. Des fouilles en Mésopotamie ont découvert les traces d’une grande inondation remontant à 3500 avant le Christ. Des récits de déluge existaient bien avant celui de la Bible. Il aurait concerné « toute la terre » : entendons : la terre connue par ces peuples. Les auteurs bibliques ont puisé dans les récits Sumériens, Assyriens ou Babyloniens, mais en les modifiant : tout est l’œuvre d’un Dieu unique, le désastre est une épuration en vue d’un salut, le juste devient semence d’une humanité nouvelle.
Le texte du livre de la Genèse aux chapitres 6 à 9, est un récit mythique et imaginaire qui contient des enseignements religieux. La méchanceté des hommes est la cause du déluge. Dieu souffre de voir le déferlement du mal dans le monde au point de regretter d’avoir créé l’humanité. Il décide à regret, de sévir pour tout recommencer. Noé est l’homme qui construit un grand bateau pour y faire monter sa famille et ses bêtes. Ils seront sauvés et sauveurs : ils sont l’espoir du monde. L’Arche a souvent été considérée comme l’image de l’Eglise qui rassemble ceux qui veulent se dégager d’une génération pécheresse.
Du récit, il faut retenir que les hommes sont libres et responsables. Le mal qu’ils font déplaît à Dieu qui veut que l’histoire de l’humanité, purifiée continue. Le jugement par les eaux aboutit à une alliance qui assure la fidélité de Dieu à l’humanité entière, Dieu promet qu’il n’y aura plus de déluge et que le rythme des saisons rendra la nature féconde. Le signe de l’alliance conclue est l’arc-en-ciel. Noé reçoit autorité sur les êtres créés et le droit de se nourrir de ce qui a vie sur terre. Noé est à l’origine d’une nouvelle création.
Une bête du zoo de Noé est devenue une célébrité universelle : c’est la colombe, portant dans son bec un rameau d’olivier : elle est devenue le symbole de la paix. Quand les eaux du déluge baissèrent, Noé voulut savoir si des terres avaient émergé. Il lâcha un corbeau qui alla et revint. Il lâcha ensuite une colombe. Elle non plus ne trouva où se poser et revint. Après sept jours, il la lâcha de nouveau : elle revint en portant dans son bec le rameau d’olivier. Noé sut que bientôt tous les occupants de l’arche pourraient débarquer pour repeupler la terre et lancer une nouvelle création d’où les auteurs de méchanceté et de violences avaient disparu.
Il ne s’agit d’évacuer Dieu, mais de montrer l’ambiguïté de cette expression qui a encore cours. Certes, certains saints ont parlé ainsi, mais la formule n’est pas aussi vénérable qu’eux.
Elle pourrait être le reflet de la foi naturelle des déistes qui croient en un absolu, mais elle ne correspond pas à la foi chrétienne en la Trinité. Elle entretient, en effet, la confusion : de quelle personne de la Trinité parle-t-on ? Cette manière de désigner Dieu ne se trouve ni dans la Bible ni dans la prière officielle de l’Eglise : la liturgie. C’est de ces sources que doit s’inspirer le langage des chrétiens. Au moment du rapprochement entres les Eglises séparées, il convient de bannir tout ce qui est étranger à la révélation et de vivre de ce qu’elle nous apprend. Pour tout chrétien, le Christ, Fils unique de Dieu, nous a révélé le Père et envoyé l’Esprit. Tout chrétien a été baptisé au nom de la Trinité et en est devenu frère du Christ, enfant du Père et sanctuaire de l’Esprit. Tout chrétien entretient avec chacune des personnes de la Trinité une relation personnelle particulière.
Un chrétien qui est de son temps emboîte le pas aux mouvements biblique, liturgique et œcuménique qui animent les Eglises. Il évite tout langage inapproprié.
La fin du mois de décembre est la période de l’année où, dans nos pays, les nuits sont les plus longues. Les jours raccourcissent jusqu’au moment où les choses s’inversent et où les jours s’allongent. Ce jour est celui du solstice d’hiver : le 25 décembre. La lumière est victorieuse des ténèbres. Dans le monde païen on fêtait à cette date le « soleil renaissant ». C’était la fête de la lumière.
La jeune Église chrétienne, pour sa part, ne fêtait que la résurrection du Christ, surtout à Pâques et chaque dimanche. Plus tard seulement elle a pensé aux grands événements antérieurs, notamment la nativité.
Nous pensons généralement que le Christ est né en l’an 1 de notre ère. On n’a commencé à compter les années par rapport à la naissance du Christ qu’à partir du 6e siècle : un moine, Denis le Petit, a introduit cette manière de compter le temps. Il s’est trompé de 4 à 7 ans. Mais cela ne nous empêche pas de penser qu’avec Jésus, une nouvelle ère a commencé, un nouveau monde est né.
Nous ignorons la date de la naissance de Jésus.
Quand l’empire romain est devenu chrétien, les coutumes païennes ont été christianisées. Cela fut fait aussi pour la fête de la lumière. L’Église a choisi de fêter la naissance de Jésus à la date la plus significative : le 25 décembre, au moment de la nuit la plus longue et où la lumière commence à l’emporter. On l’appela « le jour de la naissance du Seigneur » (die natalis domini, qui évolua en Natale, qui devint Noël). Jésus est la vraie lumière qui dissipe les ténèbres. L’Église a retenu ce qu’il y avait de valable dans la solennité païenne : la consécration religieuse et culturelle d’un événement cosmique, le solstice d’hiver, qui marque la régression de la nuit. Elle accepta les formes anciennes que lui offrait le culte païen et leur insuffla une vie nouvelle.
Longtemps on a cru que la fête chrétienne avait remplacé les fêtes païennes. Celles-ci ont cependant survécu et apparaissent aujourd’hui d’autant plus que nos pays sont déchristianisés.
Ainsi parlent ceux qui doutent ou nient qu’il y a une vie après la mort.
Un fait s’impose : la mort touche tout le monde.
Un corps sans vie est enterré ou incinéré : il ne reste pas grand ‘chose de matériel.
Les chrétiens parlent de résurrection qui est une transformation comparable aux métamorphoses qui se produisent dans la nature. La plus connue est celle de la chenille, hideuse et rampante, qui se mue en chrysalide pour devenir papillon aux ailes colorées volant parmi les fleurs. Il est impossible au papillon de redevenir chenille : il a suivi un parcours à sens unique. S’il allait se montrer aux chenilles pour leur annoncer la bonne nouvelle, elles ne reconnaîtraient pas leur ancienne collègue. Si le papillon voulait leur expliquer l’expérience qu’il a traversée, elles ne comprendraient pas.
La mort est une métamorphose qui fera de nous des êtres spiritualisés, transfigurés, d’une nature tellement différente de ce que nous sommes, que nous ne savons rien dire. Seule l’expérience fera savoir.
Nous disons aussi que la mort est une naissance. Avant de voir le jour, un enfant vit neuf mois dans le sein de sa mère. Il s’y trouve bien : au chaud, nourri, protégé, transporté. Si on lui annonçait qu’il va quitter cette existence pour entrer dans un monde nouveau où il verra la lumière et les couleurs, pourra respirer l’air et donner de la voix, déplier ses bras et ses jambes, il resterait sceptique et n’y croirait pas. Ce monde inconnu ne l’intéresserait pas. Il ne le connaîtra qu’après avoir franchi le passage qui y donne accès. Ce passage est aussi à sens unique.
Nous ne connaissons que ce que nous découvrons dans ce monde ou que l’expérience nous apprend. Ce qui est au-delà nous dépasse. Il est sage d’accepter les limites de notre savoir.
On dit : « Personne n’en est revenu ». Il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils reviennent comme ils étaient. La mort est un passage à sens unique. Leur manifestation constituerait un phénomène extraordinaire qui laisserait perplexe et sceptique.
Le Christ est apparu. Sa sainte Mère continue d’apparaître : ils sont revenus. Cela reste mystérieux. Ils ne se font « voir » qu’aux « voyants » qui témoignent de ce qu’ils ont « vu ». Les autres bénéficieront de ces apparitions dans la mesure de la confiance qu’ils accordent à ces témoins. Nous ne devons pas nous attendre à autre chose. La foi est une manière de connaître, différente de la raison et de la science expérimentale.
Le Christ savait ce qu’il y a dans l’homme, notamment sa grande incrédulité à l’égard de ce qui sort de l’ordinaire. Dans une parabole, il met en scène un riche égoïste et le pauvre Lazare. Après leur mort, les deux se trouvent dans l’éternité : le riche, malheureux en enfer, voudrait que Lazare heureux au ciel, soit envoyé auprès de ses frères pour leur éviter le même malheur. On lui répond : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent. S’ils ne les écoutent pas, même si quelqu’un ressuscitait des morts, ils ne seraient pas convaincus ».
Début 2013, la France était agitée par les manifestations des opposants au projet de légalisation du « mariage » homosexuel. Le même débat a eu lieu en Belgique dix ans auparavant, mais avec moins d’excitation. Toutes les opinions se sont exprimées. L’approbation par la chambre du projet de loi autorisant le « mariage » homosexuel, le 30 janvier 2003, mit fin à la controverse.
Les choses se sont faites progressivement. La loi instaurant la cohabitation légale, votée le 23 novembre 1998 est entrée en vigueur le 1er janvier 2000. Cette loi permet à deux personnes, vivant sous le même toit, d’officialiser leur situation, que leur relation soit amoureuse, amicale ou familiale. Cette loi est valable pour tous : une forme de vie commune, autre que le mariage, est reconnue. L’approbation du « mariage » homosexuel en 2003, constituait l’aboutissement du combat de la communauté homosexuelle. La loi du 30 juin 2006 permet aux ménages homosexuels d’adopter des enfants.
Notre pays reste divisé sur cette question sensible qui soulève bien des questions relatives au modèle familial, à l’intérêt de l’enfant, à la filiation, etc. Cette question bouscule les consciences et les partis politiques. (Les unions homosexuelles ont une chose en commun avec les mariages : elles connaissent des divorces. Entre le 1er juin 2003 et le 15 novembre 2008, il y a eu 11.653 unions homosexuelles enregistrées. 588 d’entre elles (5%) ont débouché sur un divorce.)
Légaliser l’homosexualité et lui reconnaître des droits donne à penser qu’elle ne pose pas de problème. Depuis les années 1960, la revendication homosexuelle n’a cessé de s’affirmer. LE LÉGISLATEUR A RÉPONDU À L’ATTENTE DE PERSONNES QUI SE CONSIDÉRAIENT DISCRIMINÉES ; il veille à la coexistence harmonieuse des citoyens et cherche à résoudre les problèmes de manière à ne léser personne. Il ne peut imposer à tous les citoyens la morale d’une religion. Nous ne serons pas surpris par des lois autorisant ce que la morale chrétienne réprouve : le divorce, l’avortement, l’euthanasie. Quand le législateur dépénalise de tels actes, il ne modifie pas le jugement de valeur sur ces actes. Il déclare ne pas poursuivre en justice ceux qui les posent dans les limites de certaines conditions.
L’influence des mouvements favorables aux homosexuels conduit à traiter d’homophobe tout ce qui émet un avis critique sur les questions qui les concernent. Cela ne peut empêcher de demander qu’on respecte le sens des mots. Le « mariage » est l’union légale entre un homme et une femme qui mènent une vie conjugale dont peuvent naître des enfants. Il n’y a de « mariage » qu’entre deux personnes de sexes différents. C’est inhérent à la nature du « mariage ». Deux personnes de même sexe ne forment pas un « couple ». Quand ils décident d’officialiser leur « vie commune », ne parlons pas de « mariage ». C’est une « contrefaçon de mariage ».
Avec des croyants se trouvant dans cette situation, on pourrait faire une prière mais pas célébrer de « mariage ». Terminons par un appel : des personnes aux tendances homosexuelles ne peuvent pas faire l’objet de discriminations injustes.
Abbé Auguste Reul.
Des Évangiles, différents des quatre textes connus, suscitent l’intérêt. Ils bénéficient du prestige de leur ancienneté et du fait que certains étaient tombés dans l’oubli depuis la fin du Moyen-Âge. Ils sont dits « cachés » : l’Église les a-t-elle gardés secrets à cause de choses dérangeantes qu’ils contiennent ?
Aux premiers siècles l’Église, une littérature florissante s’est propagée : des Évangiles, des Actes, des lettres et des apocalypses, attribués aux Apôtres. De ces nombreux écrits, il ne reste souvent que le nom ou des fragments. Certains sont connus depuis longtemps, d’autres ont été retrouvés dans des manuscrits anciens. On en trouve des traductions en librairie. Ces textes présent-ils un Jésus différent de celui que nous connaissons ?
Ces textes, dont certains ressemblent à nos trois premiers Évangiles, veulent compléter le Nouveau Testament et répondre à la curiosité des lecteurs. Bien des traditions chrétiennes viennent de ces écrits : les noms des parents de Marie et des Mages, la nativité de Marie, sa présentation, sa mort, son assomption, la vie de Joseph qui aurait été veuf avec des enfants avant d’épouser Marie. Dans ces textes le merveilleux tient une grande place. Ils ont été bien accueillis dans l’Église, sans avoir de statut officiel.
Les tendances doctrinales de ces écrits sont les plus diverses. Il y a notamment des textes « gnostiques » qui présentent une doctrine étrangère à la foi chrétienne. Ils ont circulé clandestinement dans des communautés dissidentes et leurs auteurs, pour les réserver aux seuls initiés, les ont appelés « apocryphes » (cachés). L’Église a rejeté ces hérésies. Aujourd’hui, tous les textes qui ne figurent pas dans la liste officielle des Écritures, sont appelés « apocryphes ». Ils sont étranges et peu fiables. Plusieurs donnent de Jésus un portrait peu flatteur : misogyne, dominateur, irascible, sectaire. On comprend que l’Église ne les a pas retenus.
La « gnose » (connaissance) est une doctrine secrète et mystérieuse qui propose à ses initiés une voie de salut par la connaissance de vérités cachées sur Dieu, sur le monde et sur l’homme. Elle ne voit pas dans la création l’œuvre de Dieu, elle refuse l’Ancien Testament, nie la vérité historique de Jésus et n’attend pas sa venue glorieuse.
Le plus connu des textes gnostiques est l’Évangile de Thomas découvert à Nag Hammadi en Égypte en 1945, dans un manuscrit du IVe. Siècle. C’est un recueil de 114 sentences attribuées à Jésus, transmises par Thomas et retravaillées par des gnostiques. Certains passages portent la marque d’un christianisme très archaïque.
L’Évangile de Judas, découvert en Égypte il y a 40 ans, attribue à l’apôtre des relations avec le monde céleste. Il ridiculise les disciples restés fidèles. Le récit est pure affabulation. Comme d’autres textes gnostiques, il renverse les valeurs : les gnostiques, rejetés par l’Église, réagissent en honorant les réprouvés de la Bible. Les apocryphes nous font savoir ce qui se passait dans les premières générations chrétiennes : leurs préoccupations, leurs trouvailles et leurs premières déviations.
Cependant, dans tous les domaines, la récolte de renseignements intéressants est maigre. Ils ont exercé une influence considérable sur la piété populaire, la liturgie, l’art religieux et la littérature durant le Moyen-Âge jusqu’aux temps modernes.
Il y a 7 jours dans la semaine. Cette période de 7 jours (septimana) a pris en français le nom de « semaine ». Le langage courant ne semble pas fort en calcul. Quand nous postposons une activité d’une semaine, à pareil jour de la semaine, nous disons « dans 8 jours ». Quand nous fixons un rendez-vous deux semaines à l’avance, nous disons « dans 15 jours ».
L’usage du vocable anglais « week-end » pour désigner les samedis et dimanche, sème la confusion. L’expression trouve son origine dans la semaine anglaise qui organisait la semaine de travail des salariés et prévoyait un repos continu du samedi midi au lundi matin. D’où viennent les noms des jours de la semaine ? La semaine planétaire, née en Orient, répandue dans les milieux hellénisés, donnait à son 1er jour le nom de JOUR DU SOLEIL. Dans les langues germaniques, ce nom est toujours en usage : ZONDAG en néerlandais, SONTAG en allemand, SUNDAY en anglais. En français, les autres jours ont conservé leurs noms païens : Lundi, JOUR DE LA LUNE ; mardi, JOUR DE MARS ; mercredi, JOUR DE MERCURE ; jeudi, JOUR DE JUPITER ; vendredi, JOUR DE VENUS. Ce sont des noms de planètes et aussi des noms de divinités.
Le dimanche est pour les chrétiens une fête hebdomadaire de Pâques. Le repos prescrit pour ce jour s’est maintenant étendu au samedi. Cette rupture du rythme de travail est un grand bienfait pour la santé de ceux qui peuvent se l’accorder. Cette interruption donne du temps à consacrer à la vie familiale et à la vie religieuse.
Ainsi, les grandes religions monothéistes ont chacune leur jour festif : les juifs, le samedi ; les chrétiens, le dimanche ; les musulmans, le vendredi. La Bible explique l’origine du sabbat. L’histoire de l’Église nous explique l’origine du dimanche. Nous ignorons pourquoi les musulmans ont choisi le vendredi.
Ce cri d’alarme est le titre d’un livre publié par les « Amis de la terre » en 1992, à l’occasion de la première conférence des dirigeants du monde à Rio de Janeiro (Brésil) sur l’état de santé de la planète. Ils exposaient les dangers que court notre environnement : sa dégradation menace la survie de l’humanité. C’est la « Crise écologique ». L’écologie étudie le rapport entre l’homme et son environnement naturel. La protection de la planète est une préoccupation majeure de notre temps. La crise est l’effet de l’industrialisation. La consommation croissante et le gaspillage épuisent les ressources naturelles plus vite qu’elles ne se renouvellent (l’air, l’eau, le bois). Les milieux essentiels à la vie (les cultures) sont envahis par des substances toxiques.
Les effets des émissions de gaz à effet de serre sont connus : pollution de l’air ; réchauffement climatique, fonte des glaciers, élévation du niveau des mers, pluies acides, accroissement de phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, inondations, sécheresses). Ces gaz sont émis par l’industrie, le chauffage urbain, le transport routier et aérien. Des aliments sont contaminés par l’usage abusif de pesticides dans l’agriculture. Des accidents nucléaires propagent la radioactivité. Au-delà d’un seuil de saturation, les systèmes naturels de régénération sont débordés et même détruits. L’exploitation industrielle sauvage détruit les forêts, poumons verts de la planète. Les réactions n’ont pas manqué : épuration des eaux usées, agriculture « bio », réduction des déchets par le tri, la récupération et le recyclage, usage des énergies renouvelables, limitation de la vitesse des véhicules, isolation thermique de l’habitat, exploitation de l’énergie solaire et éolienne, compostage des déchets agricoles et des ordures ménagères qui servent d’engrais. Il faut regretter que la croissance du trafic routier annule l’effet positif de certains efforts.
Depuis 1964, la Wallonie est dotée d’une réglementation en matière de qualité de l’air. Chaque année, un inventaire des émissions des principaux polluants atmosphérique est établi. La qualité de l’air s’est améliorée au fil des ans. Cette année, l’Agence Wallonne de l’Air et du Climat (AwAC) diffuse un projet Plan-Air-Climat-Energie (PACE) pour une enquête publique. Le PACE est un catalogue de mesures qui pourraient être prises afin d’atteindre les objectifs wallons de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, d’améliorer la qualité de l’air et de parer aux effets des changements climatiques qui sont actuellement prévisibles.
Le PACE, daté du 15 janvier 2014, couvre les années 2014 à 2022.
La crise écologique ne connaît pas de frontière et ne sera surmontée que par une action mondiale. Les États peinent à s’accorder sur développement durable. Des mesures de préservation sont prises. Mais des changements du comportement individuel sont indispensables en matière de transport, d’espaces collectifs et d’habitat, nous n’avons qu’une terre qu’il convient de sauver si nous voulons laisser aux générations suivantes une terre habitable.
Abbé Auguste Reul.